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Prouesse technique, et après ?

Le SAT Fest impressionne sans émouvoir.

Sébastien Roy

Jusqu’au 3 mars, la Société des arts technologiques (SAT) accueille sept courts-métrages d’artistes locaux et internationaux, projetés dans l’immense dôme de la Satosphère. Ils abordent, pour la plupart, la question des rapports entre humains, science et machines, à travers des voyages au cœur d’univers parallèles et imaginaires. L’expérience immersive peine cependant à établir une réelle connexion entre œuvre et spectateur. 

Hallucination collective

Une fois les visiteurs confortablement allongés sur de grands poufs, le dôme s’assombrit et une mélodie au piano se fait entendre, sans avertissement ni introduction. Le spectateur découvre alors un enchaînement fluide et entraînant de courts-métrages au fond sonore souvent électro, ambiant et parfois presque techno-industriel. Cependant, malgré l’impression d’être enveloppé dans la couverture lumineuse et sonore créée par la projection, il est souvent difficile d’être vraiment transporté par le contenu. En effet, si les mots « immersif » et « 360°» affichés sur le site de l’évènement rappellent des expériences de réalité virtuelle vécues au casque, le SAT Fest peut décevoir. Le visiteur est souvent heurté à l’impossibilité de voir l’image entière, et tourner la tête pour regarder un court-métrage d’un nouvel angle laisse apercevoir d’autres visiteurs. La distance avec l’œuvre peut être accentuée par la bande sonore rappelant parfois des rythmes de boîte de nuit, peu adaptés pour une expérience allongée aux visuels souvent apaisants.

Questions sans réponse

Le contenu des courts-métrages en laisseront également beaucoup perplexes. Transparent Machine nous montre la construction et transformation d’une machine à l’esthétique de science-fiction, avant de la faire disparaître subitement. L’œuvre japonaise Flower Of Afterimage transporte le visiteur dans un univers sculptural, étourdissant, provenant de fleurs électroniques. Tim, création montréalaise, nous fait chuter dans un monde onirique aux architectures urbaines futuristes.  Alors que les expériences démontrent indéniablement le savoir-faire technologique impressionnant de leurs créateurs, elles manquent de force réflexive et émotionnelle. Elles rappellent parfois les scènes hallucinatoires de  2001 : L’Odyssée de l’Espace ou Interstellar, sans leur pouvoir narratif et symbolique. En effet, le visiteur peut se sentir perdu dans l’accumulation de formes angulaires et abstraites, de couleurs chaudes ou métalliques et de fonds étoilés s’enchaînant de manière répétitive et parfois précipitée.

Deux œuvres se démarquent 

Malgré une expérience pouvant s’avérer décevante pour certains visiteurs, les premier et dernier courts-métrages se détachent des autres par leur singularité et leur poésie. En effet, le SAT Fest débute étonnamment par un voyage terrestre, à travers différents paysages d’aurores boréales. Résonances Boréales explore la relation entre sonorités du piano et jeux de lumières, où le dôme devient un décor idéal pour vivre cette promenade sereine et modeste. Le dernier court-métrage (hongrois et islandais) Escape surprend également par son utilisation de l’espace de projection. Le visiteur est enveloppé par une toile lumineuse et dansante, de laquelle des corps se créent et se libèrent. Le jeu de formes flottantes et figuratives est accompagné d’une musique presque sacrée, composée de chœurs puissants et d’un violoncelle lancinant. Cependant, ces deux courts-métrages durent chacun seulement trois minutes, un moment trop court pour réellement se laisser transporter par l’expérience immersive. En effet, présenter sept œuvres en quarante minutes, c’est submerger le spectateur par des esquisses de réflexions et d’expériences artistiques, en le laissant inévitablement sur sa faim, et plus intrigué en sortant qu’à l’arrivée. 


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