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Comprendre « l’autre »

Retour sur le sommet des réfugiés, par HANY.

Mahaut Engérant | Le Délit

Le Délit vous a déjà parlé de HANY, cet organisme de bienfaisance mcgillois qui a vocation à offrir des cours de français et d’anglais aux réfugiés syriens. Dimanche 5 février, HANY organisait une discussion sur le sujet de la crise des réfugiés.

La théorie et la pratique

Le premier intervenant était Arash Abizadeh, professeur de sciences politiques à McGill. S’appuyant sur une perspective morale, philosophique et théorique, le professeur Abizadeh a expliqué quels étaient les devoirs de l’état par rapport aux réfugiés. Parce que les citoyens sont soumis à l’autorité des institutions de leur pays, eux seuls ont le pouvoir démocratique de les changer, à travers le vote. Du point de vue des institutions politiques, limiter le nombre de citoyens, c’est donc limiter le nombre d’individus à qui rendre des comptes. Cependant, ne pas donner le droit de s’exprimer à une partie des habitants alors même qu’ils sont soumis aux lois, n’est-ce pas discutable ? Faire passer d’abord sa propre population est logique, mais ne justifie pas de tourner le dos aux non-citoyens ; car moralement parlant, chaque être humain a la même valeur. S’exprimait en parallèle M. Paul Clarke, un ancien banquier, désormais directeur d’Action réfugiés Montréal, qui pour sa part décrivait son expérience personnelle dans son travail avec les réfugiés. Il a rappelé que sous cette appellation se trouvent des personnes persécutées en raison de leur appartenance ethnique, religieuse ou de leur nationalité — à différencier donc des immigrés économiques. Il a aussi souligné les problèmes administratifs auxquels se heurtent souvent les réfugiés, qui attendent parfois des années au péril de leur vie les visas nécessaires à leur départ.

Du point de vue des institutions politiques, limiter le nombre de citoyens, c’est donc limiter le nombre d’individus à qui rendre des comptes.

Politiques islamophobes

Frédéric Bérard, co-directeur de l’Observatoire national en matière de droits linguistiques, est ensuite intervenu ; son franc-parler et ses expressions imagées ont rapidement fait fuser les éclats de rire dans la salle. Un véritable one-man show, mais pour une accusation forte contre les politiques québécois. Revenant sur l’attentat tragique à la mosquée de Québec, il explique que malgré les conclusions hâtives répandues sur les réseaux sociaux, Donald Trump n’avait probablement que très peu influencé ce crime de haine. En effet, l’acharnement contre les musulmans — et plus spécifiquement contre la femme musulmane voilée,  est au centre de multiples controverses. Il les juge souvent dérisoires et ultra-médiatisées et explique qu’elles existent depuis plusieurs années dans la province canadienne. Peignant un portrait peu élogieux des médias et politiques québécois, il a ajouté que les manifestations massives de recueillement organisées en réponse à cet attentat étaient chargées d’espoir.

Enfin, M. Taillefer, homme d’affaires, détenteur d’une grande part de l’industrie du taxi à Montréal et du magazine l’Actualité, a donné son avis sur la question. Il a présenté l’immigration comme « le principal remède » aux problèmes économiques auxquels fait face la province québécoise, et auxquels elle fera face dans le futur, avec une population vieillissante et un besoin de main d’œuvre croissant.  Pour lui, « il faut doubler l’immigration au Québec ». De plus, il est important selon lui de reconnaître les diplômes étrangers et permettre à ces migrants de travailler dans le secteur qu’ils connaissent.

Ces différents points de vue ont permis de répondre aux critiques souvent données par les voix anti-immigration, en explorant le rôle de l’outsider dans la vie politique, sociale et économique du pays dans lequel il s’installe. HANY nous a donc proposé, à travers ce sommet, une image des réfugiés plus humaine que celle souvent offerte par les médias, et une réflexion sérieuse sur ce sujet qui reste au cœur de l’actualité. 


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