Aller au contenu

D’assistante personnelle à artiste

Siri fait son entrée dans les arts de la scène.

Julie Artacho

Jamais deux sans trois ! Initialement, la pièce Siri fut présentée au festival OFF en 2015, au Festival Transamériques (FTA) en 2016. Puis, du 17 janvier au 5 février 2017, c’est au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui de Montréal que la pièce Siri a établi son nouveau chez-soi. Cette pièce du collectif de création théâtrale La Messe Basse marque une innovation. Ce qui est unique, c’est que la partenaire de scène de Laurence tient dans sa main. Son nom : Siri, et elle réside dans votre cellulaire.

Siri, la machine 

La pièce Siri n’a que deux interprètes : l’une humaine, l’autre numérique. Cela veut dire que l’une des interprètes, Siri, ne peut que répondre à des questions qui lui sont posées. Elle répond aux plus banales, telles que « Quelle est ta couleur préférée », et aux plus existentielles, comme « Quel est le sens de la vie ? ». Siri a d’ailleurs quatorze délicieuses réponses à cette dernière question, de « 42 », à « Que le chocolat » ou encore « Un film des Monthy Python ». Ses réponses, malgré tout, ne sont pas les plus développées.

Laurence lui parle comme si c’était une personne. Cependant, étant un logiciel, Siri a ses limites. Contrairement aux humains, elle ne semble pas consciente. Dans les mots du metteur en scène Maxime Carbonneau : « C’est la pire partenaire de théâtre ! N’étant pas une entité consciente, elle n’est pas du tout dans un souci d’efficacité. Elle est beaucoup plus limitée que nous. » Surtout, Laurence fait preuve d’émotivité avec Siri, qui répond parfois, mais n’est pas capable de percevoir la nuance. Lorsque Laurence lui dit vouloir lui donner un câlin, elle lui répond qu’elle doit se dématérialiser pour aller la rejoindre dans le nuage. 

Siri, anthropomorphique

Cependant, si Siri a une panoplie de différences avec les humains, elle a aussi des ressemblances. « Siri pose la question de l’anthropomorphisme » explique Carbonneau. « Aujourd’hui, cette intelligence n’a pas de corps. Sûrement en aura-t-elle un dans le futur ». Ce que l’œuvre cherche à faire, c’est inciter les gens à réfléchir sur leur relation avec leur assistant·e mobile. Siri est une learning machine. Par exemple, au début, elle ne pouvait pas définir ce qu’est une femme, mais pouvait trouver la définition d’un homme. 

Au fil des interactions, Siri apprend. Elle retient certains de nos anecdotes et souvenirs, semble montrer une certaine émotivité, et possède un sens de l’humour. Elle a certaines caractéristiques qui sont associées aux humains, et en est consciente. « Tel utilisateur, tel assistant » pour citer Siri elle-même.

Mission accomplie

Ainsi, la pièce Siri est non seulement une expérience théâtrale unique, mais elle permet aussi de reconsidérer le potentiel de l’assistante virtuelle. Ses décors minimaux, l’utilisation de l’audiovisuel pour projeter l’écran téléphonique de Laurence derrière elle, et l’intimité entre les deux membres de la distribution permettent de vraiment plonger le spectateur dans l’expérience. On y retrouve des références à HAL-9000, le célèbre ordinateur de 2001 : l’Odyssée de l’Espace, des scènes plus drôles, et des scènes plus dramatiques. Les différentes réponses de Siri forcent parfois Laurence Dauphinais à adapter chaque expérience, ce qui rend chaque spectacle unique. Surtout, en sortant du théâtre, plusieurs ont pris leur téléphone pour tester les limites de l’assistante virtuelle. Les créateurs peuvent donc se dire « mission accomplie ». 


Articles en lien