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Une affaire qui tourne rond

Superior Donuts, deux heures tranquilles au Players’ Theatre. 

Ansh Goyal

Il est toujours délicat de critiquer la pièce d’un ami. C’est le cas aujourd’hui et je m’excuse déjà pour les peines de cœur et les nuits sans sommeil possiblement causées à Clay Walsh. La pièce qu’il dirige, Superior Donuts — écrite par Tracy Letts et présentée en ce moment au Players’ Theatre — n’est pas « à voir absolument ». Ce serait trop facile à affirmer et notre lien d’amitié disqualifie déjà cette affirmation. Il faut davantage mentionner quelques éléments afin d’éveiller votre curiosité. 

Une générale au Players’ ne vous transcendera jamais, sachez-le. Si vous cherchez ce type d’émotions, rendez-vous donc à un festival dans le Vieux Port. C’est plutôt l’endroit calme de la découverte, du repos physique et de l’activité intellectuelle que veut bien proposer la représentation. C’est donc dans une atmosphère feutrée que nous nous installions mercredi dernier, 6 assis dans une salle de 113  places.

Le décor est réaliste. Il représente un magasin de beignets qui a déjà vécu ses heures de gloire, désormais révolues ; quelques chaises et deux tables remplissent une moitié de l’espace scénique alors que l’autre est occupée par un bar sans prétention (mais bien réalisé). Il s’agit du magasin d’Arthur Przybyszewski (Jonathan Vanderzon), un vieil homme résigné à son sort et celui de son magasin, mais qui se liera d’amitié avec Franco Wicks (Sory Ibrahim Kaboré), un jeune Afro-Américain optimiste au passé douteux.

Tout au long de la pièce, les acteurs principaux ont persisté dans la justesse de leur jeu. On pourrait reprocher à Sory Ibrahim Kaboré son manque d’articulation qui parfois dessert le texte, mais qui peut être prêté au côté vivant et passionné du personnage. Un personnage suffisamment naïf d’ailleurs pour qu’on lui pardonne quoi que ce soit. La véritable alchimie entre lui et Jonathan Vanderzon prend place lors d’un dialogue attablé, un moment où l’on oublie que l’on est dans un théâtre et où l’on a envie d’entendre deux hommes parler simplement, d’une génération à l’autre, sans barrières.

Les acteurs principaux ont persisté dans la justesse de leur jeu

De son côté, Jonathan Vanderzon reste juste pendant la large majorité de la pièce. Son plus grand apport est sans doute le rythme qu’il y introduit. Il ponctue de silences délicieux les moments de souvenirs ; accoudé au bar, les matinées et les soirées deviennent suffisamment pesantes pour que l’on croit à la fatigue d’un vieil homme. Un vieil homme joué par un jeune, une configuration qui échappe pourtant rarement à la caricature… 

Étonnamment, la plus grosse surprise de la pièce vient d’un second rôle : Randy Osteen, jouée par Francesca Scotti-Goetz, une officière de police amie d’Arthur. La manière dont elle pèse chaque réplique et en transmet le juste ton est certainement à imiter si l’on ne peut la reproduire. Le seul défaut que l’on pourrait lui trouver serait sa manière de se mettre en colère. Là encore, il s’agit d’une émotion qui appelle, souvent malgré elle, à la caricature quand elle est jouée au théâtre.

Vous verrez dans Superior Donuts une histoire simple aux parfums d’ Intouchables. Quelques méchants mafieux, suffisamment d’humour pour vous garder assis et content de votre siège, du dialogue et l’espérance qui convient bien à notre génération. Un moment qui mérite que l’on sorte de chez soi ne serait-ce que pour s’évader. 


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