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Portrait d’une jeunesse désenchantée

Jonas est une histoire d’amour qui retranscrit le déterminisme social du Brésil.

Magdalena Morales | Le Délit

La 10e  édition du festival du film brésilien de Montréal s’est tenue cette semaine (du 21 au 27 octobre) au Cinéma du Parc. Le Brésil étant souvent dépeint comme un pays muni d’une forte diversité culturelle, le festival avait pour ambition de répondre aux attentes des « amoureux du drame quotidien, de la comédie et de la romance inattendue ». Avec le film Jonas   de Lo Politi, cette édition du festival a tenu sa parole !

Jonas   est un drame romantique rythmé par des séquences de suspense propres au thriller. Premier long métrage de la réalisatrice brésilienne, le film est une histoire d’amour impossible entre Jonas, jeune des  favelas  (bidonville, ndlr) et dealer de drogue, et Branca, fille d’une famille riche de Sao Paulo. Amis depuis l’enfance, l’abîme social qui les sépare une fois adultes devient irrécusable. Le film débute au retour de Branca qui vient troubler le quotidien de Jonas, secrètement amoureux d’elle depuis toujours. Alors que les festivités du carnaval de Sao Paulo battent leur plein, Jonas se retrouve malgré lui auteur d’un crime qui le pousse à kidnapper Branca. Cachés à l’intérieur d’un char en forme de baleine, l’élément star du festival, une histoire d’amour invraisemblable débute entre eux. Les personnages sont attachants et nous charment par leur sensibilité.

Nous assistons à un véritable tourbillon d’émotions ;  la camera oscille entre gros plans et cadrages plus saccadés, permettant aux spectateurs de partager à la fois les moments d’intimité et d’appréhension des personnages.

Une conception de l’amour revisitée 

 Certes, des histoires d’amour impossibles entre personnes de classes sociales différentes, on en connaît un bon nombre. Pouvant s’apparenter à un « Romeo et Juliette » contemporain,  Jonas  se distingue cependant par sa critique de l’illusion du grand amour. Jonas est un personnage solitaire qui se sent étranger de tous. Blasé par le carnaval, il représente une jeunesse découragée par le manque de marge de manœuvre que lui offre son quotidien. Il idéalise alors l’amour comme unique échappatoire, et c’est précisément cette conception erronée qu’il s’en fait qui le poussera à séquestrer sa dulcinée. Très rapidement, nous nous rendons compte que le bourreau devient victime, victime de cet amour qui l’isole davantage.

L’utilisation d’images floues et l’absence de musique lors des scènes de carnaval font écho au sentiment de décalage du jeune homme. Les somptueux décors et couleurs éclatantes du festival sont juxtaposés avec le garage sinistre des chars allégoriques du carnaval, se trouvant au bord d’une autoroute déchue. A l’image de l’illusion amoureuse, l’envers du décor du carnaval nous le montre sous un autre jour, sans magie ni artifice.

Une critique sociale malgré tout

Le film se passe dans le quartier natal de la réalisatrice, Villa Madalena. Ce quartier se différencie des autres quartiers de Sao Paulo par sa forte mixité sociale, ce que Politi retranscrit à merveille dans son film. La réalisatrice insiste cependant sur le fait que le film n’est pas une histoire sociale mais une histoire d’amour, et c’est peut être la critique que nous pouvons lui faire. On aimerait que le film aille plus loin dans la représentation des inégalités des métropoles brésiliennes, ainsi que dans la dénonciation du déterminisme social. La fin ouverte du film freine brutalement l’action et nous laisse sur notre faim. 

Le film reste représentatif des inégalités sociales du Brésil actuel ainsi que des problèmes de sécurité du pays. La grandeur des scènes de carnaval et la richesse de la bande son nous plongent au cœur d’un Brésil aussi vibrant que troublant.


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