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Aznavour n’a (presque) rien oublié

Charles Aznavour était en concert au Centre Bell vendredi 21 octobre.

Capucine Laurier

Il nous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Et pourtant, plus de 70 ans après les débuts de Charles Aznavour sur scène, son succès ne se dément pas. Bien que maintenant nonagénaire, il est reparti en tournée internationale pour nous faire profiter d’une partie de sa discographie débordante. 

Aznavour, ce petit géant

Que celui qui n’a jamais siffloté un air d’Aznavour lance la première pierre ! Personne ? C’est ce qu’il me semblait. On a tous déjà entendu Emmenez-moi, La Bohème, For me formidable, ou  Mes emmerdes. Chacun d’entre nous peut reconnaître une ou deux chansons parmi les centaines qu’il a entonnées durant sa longue carrière.

En réalité, il n’y a pas assez de lignes sur cette page pour faire justice à la carrière de ce chanteur « cultissime ». Aux côtés d’Édith Piaf (qui est d’ailleurs la première à avoir reconnu son talent), de Brel et autres Brassens il fait partie de ceux qui ont forgé la chanson française du 20e siècle. Avec ses 51 albums studios, sa vingtaines de lives, ainsi que sa participation à des films de Jean Cocteau, de François Truffaut ou de Claude Lelouch, il a laissé une empreinte indélébile sur la scène artistique et la culture de son temps.

Le concert

C’est donc du haut de ses 92 ans bien sonnés que Charles Aznavour est venu chanter au Centre Bell de Montréal devant un public de spectateurs de tous âges. Habillé en costard et en bretelles rouge pétard, il arrive sur scène sous un tonnerre d’applaudissements. Les bras écartés il se prosterne, nous remercie d’être venus, et commence à chanter. Son spectacle est introduit par des chansons moins connues. Il « ressort les fonds de terroirs » et c’est pour beaucoup une belle découverte.Cependant la vraie partie de plaisir est pendant la deuxième moitié, lorsqu’il entonne ses plus grands succès, accompagné par le public qui chante, qui tape au rythme des chansons, qui est tout ouïe pour Aznavour.

Pour l’accompagner, il s’est entouré de beau monde. Parmi les six musiciens et les deux choristes, il y a sa fille Katia, une guitariste avec d’innombrables guitares pour mieux accompagner les chansons, un claviériste, ainsi qu’un pianiste qui —fait assez rare pour un français — est titulaire du prestigieux prix Frédéric Chopin. D’excellents musiciens qui mettent pleinement en valeur les pièces de cet excellent chanteur.

Aznavour d’aujourd’hui, Aznavour d’avant-hier

Les aléas de sa vieillesse, qu’il assume largement, sont compensés par un prompteur. « À mon âge, on commence à avoir quelques problèmes » nous explique-il. « Je vois plus rien, je suis pas sourd mais complètement sourdingue, et j’ai la mémoire qui flanche ». Du coup, il a ses textes qui lui défilent devant les yeux, et un siège sur lequel il s’assoit le temps d’une chanson ici et là. Et pour cause, comme dit un journaliste de Radio-Canada, « Aznavour pourrait être le père de Mick Jagger ». Pourtant, beaucoup aimeraient avoir une telle vieillesse ! Il n’a presque rien perdu de sa voix (si ce n’est un peu de souffle), il danse pendant quelques chansons, il chante en cinq langues, converse aisément avec le public, et offre un vrai spectacle pendant près de deux heures. Peut-être n’aurons-nous pas la chance d’avoir la belle vieillesse de Charles Aznavour. Nous qui avons, pour la plupart, la vingtaine qu’il regrette tant, profitons-en donc pleinement. « Il faut boire jusqu’à l’ivresse, sa jeunesse. » 


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