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Prendre son envol

Malgré de belles intentions, Sparrows déçoit. 

Mahaut Engérant | Le Délit

Du 23 au 28 septembre derniers, une programmation FOCUS dédiée au cinéma nordique avait lieu au cinéma du Parc. C’est à cette occasion qu’était présenté le film Sparrows, du réalisateur islandais Rùnar Rùnarsson, salué par la critique à de nombreux festivals. Le film raconte l’histoire d’Ari, 16 ans, qui, après avoir vécu pendant plusieurs années dans la capitale avec sa mère, doit soudain retourner au domicile paternel dans une région isolée des fjords islandais. Ari entretient une relation difficile avec son père, un homme au bord de l’alcoolisme, et ses amis d’enfance semblent avoir bien changé. C’est dans ce contexte que l’adolescent devra trouver sa voie vers l’âge adulte. 

Un registre juste 

Le film initiatique de Rùnarsson a le mérite d’éviter l’écueil de la « glamourisation » de l’ennui adolescent en campagne, cliché que la plupart des films abordant un sujet similaire ne manquent jamais de matérialiser. Le réalisateur dresse à coup de touches subtiles le portrait du quotidien de son héros sans jamais tenter de le rendre dramatique ou d’éveiller un quelconque sentiment de pitié ou d’admiration de la part des spectateurs à son égard. Les acteurs contribuent à cela à travers la justesse de leur performance, notamment Ingvar Sigurðsson qui joue le père d’Ari. 

Le film offre également quelques moments de grâce au cours desquels la photographie, plutôt banale et plate durant le reste du film, devient poétique et élève le propos de la scène à un niveau quasi spirituel, particulièrement lors des scènes où Ari, plutôt du genre silencieux, laisse échapper une émotion, ou encore lorsqu’il chante de sa voix angélique.

En outre, le dernier tiers du film s’enfonce dans la mélancolie et fournit des plans audacieux qui servent des idées de génie. Les dernières scènes sont très sombres de par leur propos ; la mise en scène et la photographie parviennent cependant à les enrober d’une certaine délicatesse. Le contraste entre cette douceur et la noirceur ambiante teinte la fin d’une tendre mélancolie. 

Un potentiel poétique sous exploité 

Le charme de la dernière partie n’arrive cependant malheureusement pas à contrebalancer la lenteur et la banalité du reste du film. L’œuvre de Rùnarsson n’exploite pas suffisamment les moments de grâce et les idées originales susnommées et ne parvient pas à trouver un rythme accrocheur. 

De plus, la caméra ne magnifie pas les paysages islandais, pourtant somptueux et potentiellement porteurs de lyrisme. C’est dommage et très frustrant, car la présentation banale qu’en fait le film ferme la porte à l’opportunité d’offrir à l’œuvre une dimension encore plus mélancolique et poétique. 

Finalement, les spectateurs restent un peu sur leur faim. Le rythme trop lent et mou du film limite la transmission de l’émotion que Rùnarsson cherche à dégager. La haute qualité du dernier tiers du film fait regretter le fait que le reste de l’œuvre ne soit pas teinté du même génie ténébreux. Ce contraste entrave la capacité du spectateur à comprendre le message que le réalisateur souhaite délivrer. Le film esquisse néanmoins un avenir prometteur pour le cinéma scandinave, si celui-ci parvient un jour à explorer plus en profondeur sa propension au doux-amer. 


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