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Enquête : violences sexuelles à McGill

On attend de voir

Mahaut Engérant | Le Délit

« On attend de voir », s’il fallait trouver une expression pour résumer les réactions mitigées qu’a provoquées en la communauté étudiante la première politique sur les violences sexuelles proposée par l’administration, celle-ci pourrait faire l’affaire.

Le capital confiance dont bénéficie l’Université auprès des associations étudiantes engagée est au plus bas, conséquemment à la politique de l’autruche adoptée par l’administration Fortier. Plusieurs organisations actives et travailleuses, telles Divest McGill (Désinvestir McGill, ndlr) ou Demilitarize McGill (Démilitariser McGill, ndlr) ont rencontré dans leurs efforts militants une attitude dénigrante de la part des autorités mcgilloises.
Ainsi, dans un communiqué commun, publié uniquement en anglais — comme l’ébauche de la politique en question, mise en ligne par McGill —, l’AÉUM et de l’AÉCSUM (Association des Étudiants en Cycles Supérieurs de l’Université McGill, PGSS en anglais, ndlr) expriment de nombreuses réserves quant à la politique avancée par l’administration.

Les deux principales associations étudiantes mcgilloises, représentant plus de 30 000 étudiants à elles deux, s’inquiètent de ce document de travail qui « renforce les limitations actuelles des pratiques universitaires en réponse aux violences sexuelles ». Toutes deux châtient l’administration pour le caractère vague de la politique, tant en mesures concrètes que délais raisonnables.
Est saluée tout de même la décision d’ouvrir une consultation publique sur la politique à tous les membres de la communauté mcgilloise, et le communiqué d’encourager d’encourager leurs étudiants à soumettre leurs remarques et propositions.
À cette réaction fait écho celle du Centre aux agressions sexuelles de l’AÉUM (SACOMSS en anglais, ndlr), qui porte de similaire critique quant au projet de l’administration. Dans une déclaration publiée sur leur page facebook, l’organisation partage ses peurs, ne voulant pas une nouvelle fois en « des mots vides venant d’une Université qui préfère donner à son image la priorité », plutôt qu’aux survivants et leur bien-être.

 

 

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Mahaut Engérant | Le Délit

DÉFINITIONS

Consentement

La définition du consentement utilisée dans la Politique contre les violences sexuelles (Sexual Assault Policy, ndlr) de McGill s’appuie sur la loi canadienne : Le consentement est une décision affirmative de s’engager dans une activité sexuelle mutuellement voulue, donnée par une formulation ou des actions claires. Comme décrit dans le Code criminel du Canada, le consentement ne peut être obtenu quand :

-  L’accord est exprimé par les mots ou la conduite d’une personne autre que le(la) plaignant(e)
–  Le(la) plaignant(e) est incapable de consentir à l’activité
–  L’accusé conseille ou incite le(la) plaignant(e) à s’engager dans l’acte en abusant d’une position de confiance, de pouvoir ou d’autorité
– Le(la) plaignant(e) exprime, par des paroles ou une conduite, un manque d’accord d’engager dans l’acte ; ou
–  Le(la) plaignant(e) ayant consenti à engager dans une activité sexuelle, exprime, par des mots ou une conduite, un manque d’accord de continuer à s’engager dans l’acte.

Agression sexuelle

C’est lorsque l’intégrité sexuelle de la victime est violée. Cet acte ne dépend donc pas uniquement du contact avec une partie spécifique du corps de l’individu, mais davantage de la mesure dans laquelle l’intégrité sexuelle de la personne est atteinte. Différents facteurs sont importants à prendre en compte : la partie du corps touchée, la nature du contact, le contexte dans lequel il a eu lieu, les mots et les gestes qui l’ont accompagné etc.

QUELQUES CHIFFRES

En 2016, le gouvernement ontarien a donné 236 000 dollars canadiens à la professeure Dawn Moore (Carleton University)  afin qu’elle puisse mener une étude sur la violence sexuelle sur les campus de la province (Radio Canada).
Plus de 700 agressions sexuelles ont été signalé de 2009 à 2013 dans les universités et collèges canadiens.
Une femme sur 3 aura été victime d’au moins une agression sexuelle depuis ses 16 ans au Québec (2006).

Les statistiques disponibles à ce jour relativement aux agressions sexuelles sur les campus universitaires sont disparates et lacunaires, puisque peu d’étudiants reportent ces agressions. Cependant, des tendances sont récurrentes dans tous les sondages :
–  Les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes
–  Une très petite minorité des victimes portent plainte
–  Les personnes issues de la communauté LGBTQIA+ sont plus touchés par les agressions sexuelles
–  Les étudiants en première année sont particulièrement atteints par les violences sexuelles, surtout pendant les premiers mois de l’année.

 

Politique contre les violences sexuelles : les pours, les contres et la voix de la communauté mcgilloise

 

Points positifs

- Une politique pour les survivants
– Le respect du survivant, de son intimité, des choix, de sa parole
– Pouvoir s’auto-identifier en tant que survivant : pas de définition catégorique
– La possibilité pour un survivant de prendre son temps, et se retirer à tout moment du processus d’aide de l’université, pour y revenir plus tard, ou non
– Une consultation pour recueillir les avis et propositions de tous
– L’implémentation est prévue pour l’hiver prochain

Points négatifs

- Peu, si ce n’est aucune,de mesure concrète
– Quid des moyens ? Des mots, pas de chiffres
– Il faudrait revoir et modifier les procédures existantes pour les adapter au cas particulier des agressions sexuelles
– Attention à la présomption d’innocence, peut-on exclure du campus des perpétrateurs présumés et non avérés ?
– S’inspire de la politique étudiante proposée en avril passée, fruit du travail sur plusieurs années de bénévoles étudiants, sans en retenir certains points important ni en faire mention

Un problème de communication ?

De cette nouvelle politique qui concerne tous et toutes peu sont au courant. Le Délit en a fait l’expérience en vous questionnant à l’intersection « Y », et n’en trouvant que peu parmi vous ayant connaissance de la politique en question, moins encore l’ayant lu. Envoyée par courriel  à tous les étudiants, il est désormais clair que ce n’est pas la plus efficace des méthodes.

 

VOX POP 

Anonyme, U3 Littérature anglaise

Avant que la politique ne soit publiée, j’ai une amie qui a essayé de suivre le processus concernant les violences sexuelles à McGill. Elle a remarqué que les « victimes » étaient regardées de manière dégradante parce qu’elles avaient à raconter leur expérience à plusieurs personnes, encore et encore. De surcroît, l’agresseur avait souvent des mois de tranquillité avant même d’être contacté. Avec la nouvelle version il devrait y avoir un plus grand respect pour les survivants.  Je suis d’avis que la violence sexuelle à McGill ne devrait être un tel tabou. Il n’est pas facile de savoir si l’on a été attaqué sexuellement si l’on n’a pas été éduqué en résidence. Il n’est pas évident pour l’étudiant mcgillois moyen de savoir quels sont les lieux fournissant du support en cas de violence sexuelle.

Anonyme, U2 Sciences politiques

J’ai entendu parlé du cas d’une étudiante ayant eu une expérience de violence sexuelle ; ça ne s’était pas produit à McGill mais après coup elle avait eu du mal à avoir accès au support dont elle aurait eu besoin à McGill. Je sais qu’il y a une refonte en cours du système de support à la santé mentale, parce que l’université est consciente du problème, et l’aide devient de plus en plus accessible aujourd’hui. Il semblait, parce qu’elle essayait encore et encore, sans réussir, qu’il était presque impossible d’être dirigé vers quelqu’un qui l’aiderait au long-terme.

Anonyme, U1 Arts

Ils doivent faire comprendre à tous qu’il y a de réelles conséquences, qu’il n’y pas d’impunité. On voit dans de nombreuses universités américaines que les agresseurs s’en sortent indemnes. Sinon, il y a un sentiment d’acceptation, ce n’est qu’une fois qu’ils mettent en place une telle politique que certains y penseront à deux fois avant d’agresser quelqu’un sexuellement.

Siobhan, U3 Arts

Peu de mcgillois seront au courant de cette politique si personne ne lit ses mails ou, du moins, ne se contente que de les survoler ; il doit y avoir une meilleure façon de communiquer avec les étudiants. Le terme de survivant est litigieux, il élève plutôt que rabaisse, mais certains pensent que cette appellation suppose qu’il y a un besoin d’être « réparé ». Appeler quelqu’un « survivant », c’est lui dire « tu dois être réparé », comme la victime avait déjà achevé d’intégrer ce qui lui est arrivé. Certains ne sont peut-être pas encore prêts à se considérer comme survivants, ont besoin d’un peu plus de temps. Beaucoup de gens ne survivent pas complètement à une agression sexuelle. Ce problème d’appellation est compliqué, « victime » est un terme brutal, mais il n’y en a pas de parfait.

Nathaniel, U1 IDS

Je suis également d’avis qu’il ne faille pas demander au survivant s’il ou elle était intoxiqué(e) ou habillé(e) de manière inappropriée puisque cela importe peu. Ces problèmes sont prévalents aux États-Unis et, très souvent, les victimes ne reçoivent pas le soutien nécessaire. Je suis donc content de savoir que McGill aborde la question.

Claire, U4 Sciences

On entend aux États-Unis qu’il y a beaucoup de problèmes à propos d’agressions sexuelles et que les universités tournent souvent le dos aux victimes. Alors, en tant que femme, ça me rassure de savoir que de telles politiques existent désormais à McGill. Je crois sincèrement que cette ébauche est un bon début, tant pour les étudiants que les professeurs.

Sam, U3, Études canadiennes & Arthur, U3, Géographie

En ce qui a trait à exclure l’agresseur perpétrateur présumé du campus, McGill a certes le droit de le faire, mais je m’inquiète que les droits d’une personne accusée sans preuve ne soient brimés. La présomption d’innocence est tout de même le fondement de notre système juridique.

Les statistiques montrent qu’il y a bien plus d’agressions qu’on ne le pense et, encore, il y a beaucoup de victimes qui n’entreprennent aucune démarche de consultation. Si cette politique encourage plus de survivants à aller de l’avant avec les démarches nécessaires, c’est un immense pas dans la bonne direction.

Auteurs : Hannah Raffin, Madeleine Courbariaux, Dior Sow, et l’équipe Actualités


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