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Les musées ont des oreilles

« Hieronymus Bosch : touched by the devil », du Moyen-Âge aux musées d’aujourd’hui.

Alexis de Chaunac

Le 16 septembre est sorti en salle au cinéma du Parc « Hieronymus Bosch : touched by the devil » de Pieter van Huystee. Ce documentaire sur le peintre Hieronymus Bosch (aussi connu sous le nom de Jérôme Bosch, pour faire plus prononçable) a été réalisé en l’honneur du 500e anniversaire de sa mort. Cet artiste néerlandais a passé sa vie à illustrer l’Enfer, le Paradis, et les vices qui mènent l’humanité à sa perte. Toutefois ce qui permet à Bosch de se démarquer de ses contemporains, c’est son imagination fantasque, rendue évidente par les milliers de détails dont regorgent ses tableaux. Sa créativité débordante a fait de lui un peintre dont l’œuvre est encore accueillie avec enthousiasme de nos jours.

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Alexis de Chaunac

Par-delà les frontières 

Outre Bosch lui-même, le film comporte un second enjeu : celui d’une exposition qui doit avoir lieu lors de l’anniversaire de la mort de l’artiste, au Noorbrabants Museum, à Den Bosch. Une myriade de spécialistes, experts en art, collectionneurs, techniciens, historiens de l’art, curateurs et directeurs de musée s’affairent à ce que tout se déroule bien. Ces individus viennent de milieux très variés, comme en témoigne la diversité des langues : les témoignages sont tantôt en anglais, tantôt en espagnol, tantôt en allemand ou en néerlandais (pas de sous-titres français, hélas). Le documentaire nous emmène aussi de pays en pays : l’on va de Den Bosch, au Museo del Prado de Madrid, puis à la Galleria dell’ Academia de Venise, en passant par la National Gallery of Art de Washington. 

Tout est politique 

Le premier expert que l’on interroge dans ce film déclare que beaucoup de peintures conservées aujourd’hui n’ont pas été confirmées comme étant de la main du maître en personne. Discrétion oblige, il ne mentionnera aucune œuvre en particulier, pour ne pas « rentrer dans la politique ». Pourtant, c’est exactement là que le film va l’emmener et nous emmener avec lui, bien malheureusement. Tout le long du documentaire, nous assistons à des négociations, parfois acerbes, entre experts de différents musées, acceptant ou refusant de prêter tel ou tel tableau. Les rivalités qui nous sont ainsi exposées ne sont pas belles à voir. Le film nous plonge dans un monde où le travail acharné ne porte pas toujours ses fruits et nous livre des informations techniques qui peuvent décourager les amateurs qui ne s’y connaissent pas trop. Le travail de détective des experts laisse peu de temps pour décortiquer le symbolisme souvent nébuleux qui imprègne toute l’œuvre de Bosch (et qui est le sujet le plus susceptible d’intéresser les spectateurs). 

Petits bonus

Malgré tout, ce documentaire a réussi à marquer quelques points. Les gros plans que la caméra effectue sur les paysages inquiétants de Bosch, accompagnés d’une musique lancinante, ont installé cette atmosphère de mystère et d’intrigue qui plaît tant chez cet artiste. On peut également découvrir avec plaisir des œuvres méconnues : c’est le cas d’un croquis nommé Le Champ a des yeux, le bois des oreilles — un bijou de bizarrerie glauque, trouvé dans un marché aux puces par un collectionneur d’art. De manière générale, ce film comporte des moments agréables pour tous les admirateurs du peintre ; néanmoins, il serait probablement plus palpitant pour les grands amateurs qui ont déjà étudié le sujet, et sont prêts à passer aux aspects plus techniques du phénomène Bosch. 


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