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Objectif sur Mapplethorpe

Hommage à un des plus grands photographes controversés du 20e siècle.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Le samedi 10 septembre s’est ouvert au Musée des beaux arts de Montréal la première rétrospective majeure nord-américaine de Robert Mapplethorpe : « Focus : Perfection ». Celle-ci est la plus importante depuis The Perfect Moment en 1988, qui a eu l’effet d’une tornade sur les institutions artistiques américaines. Il s’agit ici d’une première au Canada, qui n’avait jamais accueilli auparavant un tel événement dédié à l’artiste. C’est également l’unique étape canadienne de cette exposition. À travers celle-ci, on redécouvre Mapplethorpe pas à pas, avec son style si puissant et particulier.

Né en 1946 dans le Queens, Robert Mapplethorpe a grandi au sein d’une famille catholique. À la fin des années 60, il entreprend des études de graphisme publicitaire au Pratt Institute à New-York. Il les arrêta ensuite, emporté et séduit par la bouillonnante contre-culture du New-York des années 70. Ses premiers travaux sont des collages à partir d’images de magazines, ou encore des colliers et des assemblages d’objets (souvent religieux). Son mode de vie alternatif le fait grandement évoluer, notamment grâce à des rencontres, telle que celle avec Patti Smith. Devenue son amie intime, cette dernière le poussa vers la photographie. Ce fût le déclic. Son homosexualité, refoulée par son éducation, se démystifie et devient un des éléments phares de son œuvre. « Pour moi le sexe est au-delà de toute expérience connue », déclare-t-il. Il explore sa sexualité à travers de nombreuses photos de nus masculin et fut grandement reconnu pour ceux-ci,ainsi que pour ses portraits de célébrités, ses autoportraits et ses photos de fleurs, métaphore des organes génitaux et de la sexualité.

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Robert Mapplethorpe Foundation

Entre ombre et lumière

L’organisation chronologique de l’exposition est voulue par Nathalie Bondil,(directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux arts de Montréal). Elle précise que le parcours est fait de sorte que tout public puisse apprécier et découvrir l’œuvre de Mapplethorpe selon sa sensibilité.

Tout d’abord sont disposés des portraits de lui réalisés par d’autres artistes, ainsi que ses œuvres les plus datées, comme des colliers, ou encore un autel qu’il a constitué, montrant l’influence du dadaïste Marcel Duchamp et de ses objets préfabriqués sur ses premiers travaux. Dans la deuxième salle, on est tout de suite projeté dans le New-York de Mapplethorpe. L’ambiance, rythmée notamment par Because the night de Patti Smith et par les portraits d’artistes de l’époque tels que Warhol ou Debbie Harry, nous y plongent. Ses premières photos, prises avec un polaroid, sont aussi présentes. On est frappé par l’omniprésence du noir et du blanc. Il y a un véritable travail sur l’ombre et la lumière, d’autant plus flagrant dans la troisième salle où sont exposés ses nus d’hommes. Celle salle aborde le thème de l’identité et la sexualité. Ses fameux portfolios X, Y et Z y sont disposés, représentant des photos d’hommes dans des scènes sadomasochistes. 

Mapplethorpe travaille tel un sculpteur avec la lumière, afin de modeler des corps musclés, viriles, luisants, dans le but d’atteindre la perfection. Robert Sherman, ancien modèle iconique de Mapplethorpe, déclare au Délit : « Il était très spécifique dans ce qu’il recherchait, dans les ordres qu’il nous donnait.» Plus loin, ses photos de fleurs, elles aussi travaillées et nettes, nous ramènent à la sexualité. L’ultime salle porte sur la controverse créée par sa première rétrospective à la fin des années 80, qui créa un conflit idéologique avec certaines institutions artistiques américaines. Elles remirent en effet en question le contrôle sur la censure dans le contexte des Culture Wars.

Un message de tolérance 

Cette rétrospective est accompagnée d’une série de conférences, de films et de rencontres, à but éducatif et culturel. À travers cela, le musée souhaite mettre à l’honneur la diversité, et soutenir la communauté LGBTQ à Montréal et au-delà. Cette rétrospective aborde aussi les questions de censure et de liberté d’expression. L’exposition, composée de 300 œuvres et artéfacts, est très bien conceptualisée et nous emporte directement dans l’univers de Mapplethorpe. Elle nous fait redécouvrir le génie de l’artiste, et engage une discussion sur la tolérance. 


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