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Nuancer une utopie

Une vie fantastique : une invitation à la réflexion et au changement.

Camille Biscay

Vous ne trouvez pas votre place dans une société que vous jugez trop superficielle ? L’ère de la surconsommation et du capitalisme vous paraît obsolète et un retour vers un mode de vie minimaliste vous semble nécessaire ? Le premier long métrage indépendant de Matt Ross propose une tentative d’un mode de vie alternatif qui suscite la réflexion. 

À la découverte de l’altérité

Dans ce film, un couple américain décide d’élever leur famille de six enfants dans les forêts du nord-ouest américain. Ils construisent un campement rustique où ils vivent pratiquement en parfaite autarcie. Les six enfants y sont soumis à un entraînement physique et mental à l’image de la devise de Juvénal, « un esprit sain dans un corps sain ». Yoga, méditation et chasse ne sont que quelques-unes de leurs activités. En plus d’étudier la philosophie, l’histoire, de nombreuses langues et les sciences, ils sont surtout poussés à se forger un esprit critique, notamment sur le fonctionnement actuel de la société . Cependant, le trouble bipolaire de leur mère l’oblige à recevoir des soins dans une institution moderne. Les enfants se questionnent dès lors sur la raison pour laquelle leur mère doit retourner dans la civilisation, ce monde qu’on leur a appris à dénigrer. N’étaient-ils pas autonomes ? Le suicide subséquent de leur mère entraîne le début d’un roadtrip hors de leur campement pour la première fois afin de se rendre à ses funérailles et honorer ses dernières volontés. Ce périple confronte les enfants à la réalité. La rencontre avec l’autre, notamment avec de nouvelles figures d’autorité, les mène à une remise en question de leur éducation.

c-viefantastique
Mahaut Engérant | Le Délit

Une mise en scène intimiste 

La mise en scène nous plonge réellement dans l’intimité de la famille. En effet, les nombreux plans rapprochés et regards caméra nous font vivre l’expérience comme si l’on y était. Le spectateur se trouve alors au cœur d’une famille, et découvre l’évolution personnelle que vit chacun de ses membres. Ces choix scénographiques nous font nous sentir étrangers au monde dans lequel nous vivons, et permettent de nous le dévoiler sous une autre perspective. On ressent effectivement le sentiment de nouveauté des personnages qui, habitués à chasser, se retrouvent dans une épicerie conventionnelle. Le naturalisme des dialogues ainsi que les nombreux plans silencieux où l’on observe la famille dans son quotidien contribuent également au réalisme du long métrage. 

Cependant, bien que le film possède une certaine puissance émotionnelle,  l’histoire suit un schéma quelque peu scolaire et qui manque d’originalité. Il nous présente une situation initiale (le mode de vie fonctionnel de la famille en forêt), un élément perturbateur (le décès de la mère) entraînant une quête (le roadtrip) qui se résout de façon idéaliste. Ce schéma, tend à freiner la remise en question du spectateur en orientant davantage son attention vers l’action et l’enchaînement des événements plutôt que sur la psychologie des personnages. 

Cette structure conventionnelle permet cependant d’appréhender confortablement les questions difficiles abordées par le film, lui permettant d’être apprécié par un grand public Par ces choix, Matt Ross nous permet de faire partie d’un voyage émouvant et drôle, à travers lequel nous pouvons réévaluer nos vies et nos idées. 


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