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Le Québec subversif des années 1970

Le collectif Anarchives présente les mouvements contestataires LGBT et étudiants québécois.

Mahaut Engérant

Le long cycle sur la contre-culture au Québec, organisé par le collectif Anarchives (dont nous vous parlions déjà dans un article du 20 octobre 2015) s’est clôturé vendredi dernier par deux ultimes conférences. Celles-ci, portant sur les luttes LGBT et les critiques de l’école ont fourni deux nouvelles preuves, s’il en fallait encore, de l’effervescence culturelle et politique du Québec des années 1970.

Émancipation sociale et émancipation gaie

Bruno Laprade, étudiant en sémiologie à l’UQAM, est le premier à prendre la parole. Partant du tournant de 1969, la loi « omnibus » de Pierre-Eliott Trudeau qui, entre autres, dépénalise l’homosexualité, l’orateur a décrit la montée en puissance d’une conscience politique autonome pour les groupes gais (entendons homosexuels masculins).

Deux types d’organisations ont exprimé cette nouvelle conscience politique : les groupes « homophiles », avec des revues comme Gai-Kébec ou Ultimum, qui appellaient au coming-out, à assumer publiquement son homosexualité, appelant donc plutôt à une révolte au niveau individuel.

À l’inverse, les groupes de libération furent beaucoup plus revendicatifs. Ainsi, le Front de libération homosexuel est créé en 1971, clin d’œil au Front de libération du Québec, et insista sur la nécessité d’une opposition radicale et globale à l’oppression sexuelle. La coopération avec les autres mouvements sociaux était alors envisagée dans ce cadre d’une révolte générale au pouvoir en place.

Il faut souligner dans ce cadre le rôle de Gay McGill, créé en 1972, premier groupe gai universitaire, qui liait la cause homosexuelle à d’autres luttes (cause féministe ou même pour un tarif abordable dans les transports en commun).

Remettre en contexte ces mouvements était donc particulièrement intéressant, plaçant ces luttes dans le mouvement général d’émancipation sociale du Québec des années 1960 et 1970. L’orateur a néanmoins insisté sur le fait que certains groupes homosexuels ont préféré militer à côté des autres mouvements sociaux, individualisant leur lutte ; les mouvements indépendantistes étant d’ailleurs parfois réticents à s’allier aux groupes homosexuels.

Mahaut Engérant

Les premières contestations étudiantes

Jaouad Laaroussi, doctorant d’histoire à l’UQAM, a pour sa part évoqué la critique de l’éducation québécoise, qui se mit en place dans les années 1960 dans le cadre de la révolution tranquille. C’est notamment le moment de la création des CEGEP.

Dans cette phase d’installation, les mouvements étudiants étaient plutôt dans une logique de dialogue avec l’État pour faire entendre leurs revendications. La rupture s’opéra en 1967, lorsque les universités commencèrent à fonctionner, assez loin des projets étudiants. Les premiers manifestes étudiants des années 1967–1968 dénonçaient ainsi l’université des « notables », trop peu accessible aux classes populaires et critiquaient, par de multiples grèves, la charte universitaire qui ne laissait pas de place à la démocratie étudiante (qui voulait choisir ses cursus face à ceux purement technocratiques de l’État québécois).

Rappelons aussi que des grèves eurent lieu dans les CEGEP appelant souvent au drop-out avec le slogan explicite de « participer c’est se faire fourrer ». 

Le conférencier, rappelant de nombreuses initiatives intra-universitaires, principalement à l’UdeM et l’UQAM, a également parlé de « McGill français », mouvement qui prônait la francophonisation complète de McGill, au moment où l’anglais conquérant était encore une menace directe pour l’identité québécoise.

Les discussions avec le public ont laissé entrevoir que ces luttes ne sont pas finies : des descentes policières dans les soirées queer qui se poursuivent encore aujourd’hui, aux débats dans les universités sur la gestion des programmes. Si l’ardeur est moindre, les enjeux sont toujours présents. 

Anarchives a donc proposé une nouvelle fois des conférences très intéressantes sur la contre-culture québécoise. On regrette un peu le fait que les liens entre ces mouvements et les luttes indépendantistes n’aient pas été vraiment abordés, mais cela avait été amplement le cas dans les autres conférences organisées auparavant. 


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