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« L’honnêteté est le plus grand pouvoir »

Le Délit a rencontré le réalisateur australo-mexicain Michael Rowe, à l’occasion de la sortie de son dernier long-métrage Premières Neiges.

Laurent Guérin

Michael Rowe a grandi en Australie mais c’est au Mexique que sa carrière cinématograhique a pris son envol. Scénariste sans grand succès pendant sept ans, il devient ensuite réalisateur et reçoit en 2010 la Caméra d’or du Festival de Cannes, pour son premier film Año Bisiestro. Premières Neiges est son troisième opus, le premier réalisé en anglais. Ce dernier explore les relations familiales et le prix à payer pour garder une famille unie.


Le Délit (LD): Pouvez-vous commencer par vous présenter un petit peu : qui vous êtes, où vous avez grandi et comment vous êtes devenu réalisateur ?

Michael Rowe (MR): Je suis né en Australie, et ça fait maintenant 22 ans que j’habite au Mexique. J’ai été scénariste, enfin, un scénariste sans succès pendant 7 ans, du coup je suis devenu réalisateur il y a cinq ans. 

LD : Premières Neiges (Early Winter) est votre premier film en anglais. Pourquoi tourner en anglais seulement maintenant ?

MR : Alors, j’ai tourné mes deux premiers films en espagnol car je vivais au Mexique et c’était plus simple, mais j’ai ressenti l’envie et le besoin de retourner à ma langue maternelle. Ces trois films forment une trilogie (Año Bisiesto, The Well et Premières Neiges, ndlr) et j’avais envie de tourner en anglais avant de finir la trilogie. 

« J’ai ressenti l’envie et le besoin de retourner à ma langue maternelle » 

LD : Premières Neiges traite d’un couple traversant une crise. Pourquoi ce sujet en particulier ?

MR : J’ai 45 ans, j’ai été marié, j’ai été divorcé, mon frère a vécu un divorce, un de mes amis aussi… Je voulais donc explorer le thème de la famille, du prix à payer pour garder une famille unie, et si ce prix n’est pas trop élevé parfois. 

LD : Vous avez tourné votre film à Montréal, il a été produit avec une boîte de production québécoise, et met en scène des acteurs québécois, donc dans un cadre plutôt francophone. Pourquoi avez-vous choisi d’avoir une famille anglophone dans un cadre francophone ?

MR : L’idée de conflit du langage, de la mise à l’écart sociale et géographique est très importante pour moi par rapport à ce que j’ai vécu, les choses que j’ai faites dans ma vie. Ce sont des thèmes toujours d’actualité pour moi, et pour le justifier j’ai voulu qu’un de mes personnages principaux vienne de Russie (la mère Maya, ndlr), autrement ça n’avait pas de sens. 

LD : Techniquement, quelles étaient les différences entre tourner avec une équipe canadienne et une équipe mexicaine ?

MR : La plus frappante était la notion de division de travail. Au Canada, elle est très organisée et stricte, alors qu’au Mexique la façon de faire est plus latine je dirais. Si quelque chose doit être fait, ne serait-ce que changer de place un accessoire, peu importe qui est sur le plateau il le fait. Ici, il faut contacter l’accessoiriste qui vient et fait le travail. J’ai trouvé ça assez frustrant, ça me paraissait tellement peu pratique.

À part ça, l’équipe était super, très pro. Je pense qu’ils étaient surpris au début de ma façon de faire les choses, comme quand je faisais plusieurs plans courts et détaillés afin de les mélanger aux plans principaux en production, ou encore quand je faisais des plans très longs. Ce n’était pas forcément dans leur façon de faire habituelle mais après quelques jours, quand ils ont vu la tournure que prenait notre projet, ils étaient de plus en plus enthousiastes.

« Pour un premier film, l’honnêteté est le plus grand pouvoir : si un film est honnête alors il sera bien »

LD : Et alors, que pensez vous de votre expérience canadienne ?

MR : Chaque film est une expérience différente, et souvent l’expérience que j’en tire dépend de ma relation avec les acteurs, et vraiment, pour ce film, elle était super. J’ai vraiment passé un bon moment ! 

LD : Si vous pouviez donner un conseil à un réalisateur en herbe de 20 ans, qu’est-ce que ce serait ?

MR : Ne mens pas. Sois honnête. N’écris pas sur des choses dont tu ne connais rien. Ne raconte pas d’histoires à propos d’octogénaires, ou des monstres de l’espace mais plutôt sur des gens de 20 ans, les épreuves traversées, les difficultés éprouvées, les joies ressenties. Il faut comprendre que ce qui est vrai pour toi, l’est pour tout le monde. Tout le monde a eu 20 ans, et au final avoir 40 ans n’est pas si différent, tu es juste un peu plus ridé (rires). Donc si tu comprends la valeur de ton expérience, tu feras un bon film. 

Et je pense que c’est la où Xavier Dolan est bon. Son premier film, J’ai tué ma mère n’est pas un chef d’œuvre mais il est fort, il est honnête. Et tu ne peux pas cacher l’honnêteté à l’écran. Quand quelqu’un est honnête dans son film, le public le ressent tout de suite. Pour un premier film, l’honnêteté est le plus grand pouvoir : si un film est honnête alors il sera bien.

« Je voulais donc explorer le thème de la famille, du prix à payer pour garder une famille unie, et si ce prix n’est pas trop élevé parfois »

LD : Bon nous avons une tradition au Délit, c’est la question de la musique ! Il est 23h le lundi soir, nous sommes en pleine soirée de production, quelle musique mettriez-vous pour nous réveiller, nous redonner la pêche ?

MR : (rires) Une parmi les premières chansons d’ACDC.

Laurent Guérin

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