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Un conte canadien, par Sasha Snow

Le réalisateur du Jugement d’Hadwin présente son œuvre en entrevue avec Le Délit.

l'ONF

Le dernier documentaire environnementaliste de Sasha Snow sortait en salles en décembre 2015. Inspiré par le roman de John Vaillant L’Arbre d’Or, le film de Sasha Snow film est le récit du combat du boisier Grant Hadwin contre la destruction de la forêt sur l’île Haida Gwaii, en Colombie- Britannique. Alors qu’Hadwin devient l’avocat de la préservation de sa forêt, sa voix ne se fait pas entrendre entendre et il décide un jour d’entreprendre un acte symoblique qui le fera finalement connaître. En abattant l’arbre d’or, un monument sacré pour le peuple Haida, Hadwin commet une offense tragique contre la communauté autochtone. Il est alors forcé de quitter l’île et connaît une fin tragique au cours d’un accident de kayak.


L.D : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un film d’après le roman de John Vaillant ?

C’est Grant Hadwin qui m’a inspiré. Je l’ai trouvé fascinant. C’est quelqu’un à qui, au fond, je pouvais m’identifier. Pourtant, je n’avais jamais entendu parler de lui avant de lire le livre. Je pense que peu de gens connaissent son histoire car L’Arbre d’Or n’a eu qu’un succès modeste en Angleterre. J’ignorais même l’existence de l’île d’Haida Gwaii ! 

L.D : Qu’est-ce qui vous a inspiré dans la personnalité de Grant Hadwin ?

C’est sa volonté d’innover. Nous avons tous plus ou moins conscience que nos actes ont des conséquences. Grant observait les conséequences de son travail plus profondément que le reste d’entre nous. Il ne voulait pas laisser passer le massacre forestier de la coupe à blanc. Cela lui tenait tant à cœur , qqu’u ’il a décidé de passer à l’action, (et de s’attaquer à beaucoup plus grand que lui, ndlr). J et je pense que c’est une décision qui aurait été difficile pour une personne lambda, ou en tout cas cela l’aurait étré pour moi. C’est une question importante : jusqu’où est-on prêt à aller pour défendre ses convictions ? C’est une pensée question qui peut mettre mal à l’aise.

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Sasha Snow

L.D : Dans une certaine mesure, donnez-vousessayez-vous de transmettre un avertissement par rapport à notre mode de vie actuel ?

Oui, je voulais faire le récit de cette aventure tragique comme un mythe car il me semble que cette histoire restera toujours d’actualité. Tant que l’Homme marche sur Terre, il a une certaine capacité à faire plus de dégâts que de faire du bien. C’est le paradoxe de l’état chaotique dans lequel nous existons. Le combat d’Hadwin est une expression assez singulière de ce conflit interne qui, d’après moi, existe en chacun de nous. Hadwin n’a fait que tirer la sonnette d’alarme. Il était amoureux de sa forêt. En fait, j’ai réalisé que mon film était aussi une histoire d’amour quand je l’ai fait visionner par un ancien professeur de l’école de cinéma. Je ne l’avais pas vu depuis des années, et Qquand il a vu les documentaire, il s’est écrié : « Ah ben c’est une histoire d’amour ! » En effet, et l’amour peut être douloureux : Hadwin voyait l’objet de son adoration se faire détruire par le fruit de son propre travail. Je pense que ça a provoqué beaucoup de peaine chez lui. Et puis, finalement, nous devrions tous être amoureux de nos forêts.

L.D : C’est une façon intéressante de comprendre la démarche d’Hadwin. Amoureux de la forêt, il tente de la protéger par un acte symoblique qui la détruit partiellement. Le peuple autochtone Haida, aussi amoureux de la forêt, est profondément blessé par cet acte criminel, n’est-ce pas ?

Le peuple Haida avait une relation bien plus harmonieuse avec leur environnement, un type d’amour beaucoup plus sain. Hadwin était tiraillé entre deux mondes : l’un qui voit la nature comme un objet d’exploitation, et l’autre qui voit la nature comme une partie de son essence. Dans ses nombreuses lettres, Hadwin ne faisait qu’exprimer ce conflit pertpétuelperpétuel. Il a fini par attaquer le peuple qui défendait les mêmes valeurs que lui. Il y a une double perversité dans son acte.

L.D : D’ailleurs, votre documentaire regorge de parallèles et des paradoxes. Il y a d’abord la dimension mythique, mais aussi l’aspect documentaire du récit. Quel était l’intérêt de mélanger les genres ?

C’était surtout un moyen pratique de faire le film sans Hadwin. Et puis, si j’avais utilisé seulement la forme documentaire, en utilisant par exemple les entrevues de personnes qui l’avaient connu, je pense que cela l’aurait fait paraître trop vide et absent. Grâace à la reconsitution reconstitution fictive, la représentation d’Hadwin permet au public d’avoir une idée plus complète de l’homme qu’il était. Il existe beaucoup de mépris envers les documentaires reconstitutifs car cela ne fonctionne pas toujours. Cela a marché dans mon cas. En plus, l’acteur ressemblement ressemble étrangement à Grant, et lorse lorsque que le spectateur voit la photo de l’homme à la fin du film, il y a un moment de confusion. 

L.D : Pourquoi aimez-vous faire des documentaires documentalistesenvironnementalistes ?

Je ne suis pas un documentariste environnementaliste, mais les questions liées à l’environnement m’intéressent énormément. Si je devais définir une style commun dans mes travaux de réalisateur, ce serait l’effort de permettre au public de s’identifier à des personnages qui ont accompli des actes à l’apparence irrationnels. Ceux qui sont passés pour des fous. En mettant le public à leur place, je veux montrer que c’est plus compliqué que ça. . J’ai déjà fait un film sur une femme qui avait tué son mari dans un village du Groenland, et un autre film sur un homme qui tente de tuer un tigre de Sibérie… Ce sont des choses qui sortent de ce que l’on conçoit comme « normal », mais lorsque l’on voit les documentaires qui leur sont consacrés, on se dit « attends une minute, j’aurais peut-être fait la même chose si j’avais été dans la même situation ! ». Si vous et moi travaillons dans l’industrie de la coupe à blanc, et si nous avions vu ce que Grant Hadwin avait vu, les âmes sensibles que nous sommes auraient certainement fait les mêmes choix. Il avait sûrement plus les pieds sur Terre que beaucoup d’entre nous. Malheureusement, comme tout documentaire, le film le simplifie le personnage de Hadwin en faisant impasse sur son passé psychiatrique et, son histoire familiale. Si le public veut en savoir plus sur Hadwmin, il faut lire L’Arbre D’Or !

L.D : Comment avez- vous conduit votre recherche, alors sachant que les événements ont eu lieu tant d’années en arrière ?

Ce fut un assez difficile par rapport à mon film précédent, qui parlait des attaques de tigre dans un village de Sibérie, qui s’étaient déroulées au cours de deux semaines seulement. Je n’aivais pas eu trop de mal à trouver des témoins pour raconter l’histoire. Pour Grant Hadwin, il s’agissait de raconter l’hisoitre de la vie d’un homme, qui s’était déroulée dans toute la Colombie Britannique. IPar contre, il m’a fallu beaucoup de temps pour collecter les fonds nécessaires pour réaliser leà la réalisation du film. Pendant ce temps, j’ai trouvé des gens qui me raconteraient la vision de Grant par rapport à son acte. Sa femme n’a pas souhaité participer au film car il aurait réouvert une plaie qu’elle avait mis beaucoup de temps à fermer : la disparition de son mari, les recherches du corps ect… Il y avait aussi le problème du peuple Haida, et de sa représentation dans le film du point de vue d’un anglais blanc, tout à fait étranger à leur combat. Il y a eu beaucoup de suspicions envers moi et mon projet d’utiliser l’histoire de l’arbre d’or. J’ai tenté de les persuader que la fin justifiait les moyens et que le résultat pourrait être positif pour leur communauté. Il n’y a pas de consensus à propos de qui a le droit de raconter l’histoire. Je n’ai jamais réussi à avoir l’approbation de la totalité des autochtones, mais je suis parvenu à mettre les personnes qui avaient le plus d’influence de mon côté. Lors de la projection du film devant la population Haida, j’avais peur que le résultat leur déplaise. Après la séance, il y a eu un long silence, puis ils se sont levés dans l’ordre hiérarchique du clan. Ils ont se sont dirigés vers le chef de la communauté et lui ont communiqué chacun leur réaction au film. C’est la projection la plus intense à laquelle j’ai jamais assisté pour l’un de mes films !

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