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Depereunt aucta labore

Éditorial.

Luce Engérant

Après avoir couvert les élections fédérales, nous souhaitions nous reconnecter avec les préoccupations les plus primaires de l’étudiant. Le sexe, l’alcool et la fête ?  Non les midterms, ou bien examens de mi-session pour ceux qui n’ont pas encore perdu tout leur Molière en disant plus souvent chaque jour « readings » et « library » que « manger » et « dormir ».

Lancée dès le 1er octobre et achevée aux alentours de la fin novembre, cette saison d’examens de « mi-session » aura encore une fois très mal porté son nom. Plus de cinq semaines où les places assises à la bibliothèque auront été arrachées même le dimanche soir. Un mois et demi que nous promettons à nos amis qu’après « ça » on fera tout pour se voir : un verre, un dîner, une soirée, un brunch (ah non depuis ce lundi, le bacon tue selon l’OMS). Mais le vent glacial des examens finaux et autres essais se chargera assez tôt d’achever notre vie sociale. Autant tenter de la ranimer au prochain OAP.

L’année dernière, nous avions fait une entorse à notre rythme de révisions effréné : nous avions pris quinze minutes de notre précieux temps de travail afin de remplir un questionnaire de McGill. Le sujet ? Quelques jours de vacances au semestre d’automne. Nos réponses semblent s’être perdues dans les limbes de l’administration… Nous aurons sûrement une semaine de coupure quand il y aura du gazon sur le Lower Field.

McGill nous accable de travail. Certains se disent submergés par la vague, quelques-uns affirment avoir les pieds coincés dans une vase les empêchant d’avancer, d’autres encore se comparent à un ballon prêt à imploser ou tout simplement à se dégonfler en un couinement de fatigue.

Luce Engérant

La semaine de sensibilisation à la santé mentale nous a rappelé combien l’équilibre des étudiants de McGill était fragile. Anxiété, dépression, burn out, nécessité médicale d’interrompre sa scolarité en plein semestre, fatigue excessive, rythme déréglé, chutes de tension, crises de vertiges, malaises, stress extrême, troubles alimentaires, dégoût des études. Une longue liste de cas, troubles et symptômes que chacun sait être porté par un de ses amis, une de ses camarades de première année ou un de ses compagnons de bibliothèque… Ou par soi-même.

McGill doit réagir, se réinvestir dans ce qui devrait être sa mission : l’excellence de ses élèves. Tout Mcgillois s’est inscrit en connaissance de cause, chacun a signé pour travailler. Respecter nos capacités physiques et psychologiques ne fera pas de nous des fainéants indignes de nos sweats McGill. Cela nous permettra juste de rester en bonne santé, de mieux nous engager dans chacun de nos cours et de savoir apprécier notre éducation jusqu’à la graduation.

Les solutions ne sont pas à aller chercher bien loin. Il s’agit de réinvestir dans les infrastructures de santé mentale bondées, limiter le nombre de travaux de mi-session par classe, sensibiliser le corps professoral aux conséquences d’une telle charge de travail, nous offrir une semaine de pause au premier semestre en contrepartie d’une rentrée avancée – chose que d’autres universités font déjà. 

Le travail et l’éducation sont censés nous libérer, nous faire grandir. C’est en tout cas ce que dit la devise de notre université : Grandescunt aucta labore.

Cependant les étudiants qui s’agglutinent dans leurs petits box de lecture au 5e étage de McLennan ressemblent plus à des travailleurs aliénés qu’à des hommes libérés. L’étudiant est abruti d’acharnement et n’est voué qu’à ingurgiter des connaissances à la chaîne. Ô Taylorisme intellectuel. 


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