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Altmejd en Flux

Le MAC expose l’imaginaire de David Altmejd.

Luce Engérant | Le Délit

BOUM BOUM BOUM – Un gorille frappe à la porte et vous tend un fragile petit pétale de pâquerette. Quelque chose cloche, et pourtant… 

Telle est l’expérience de FLUX, la rétrospective de David Altmejd à laquelle on pouvait assister pendant la nocturne du Musée d’Art Contemporain (MAC) le vendredi 11 septembre. Les tounes enchaînées du disc-jockey et la horde de visiteurs contrastent avec l’atmosphère singulière et introspective du sculpteur. Au moins la sécurité est déployée pour faire barrage au flot humain : une fois dans la salle d’exposition, on entre dans une clairière parsemée de visiteurs, pas plus nombreux que quelques champignons dispersés dans une forêt. Et cela tombe bien puisque l’exposition représente certains personnages sortis tout droit d’un conte de fée, d’un mythe terrible, ou d’une histoire moyenâgeuse. 

FLUX est le premier partenariat dans son genre : collaboration entre le Musée d’Art Contemporain de Montréal et le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’exposition réunit des œuvres réalisées pendant les quinze dernières années de travail de l’artiste. C’est l’occasion pour Altmejd d’exposer dans sa ville natale : né en 1974 à Montréal il vit et travaille maintenant à New York. 

L’exposition commence par une tête. C’est une tête avec des cheveux, une couleur de chair et un trou béant en plein milieu. Dans ce trou poussent quelques cristaux. Cette première œuvre, composée de trois dimensions, est d’autant plus saisissante qu’elle est placée dans un coude de couloir, comme un macabre accueil. Pour amplifier l’effet frappant, on découvre au détour de la prochaine galerie que la première œuvre est inspirée de la tête de la sœur de l’artiste.

Par une adroite appropriation de l’espace et mise en scène des œuvres, Altmejd guide le visiteur de sous-salle en sous-salle, l’attirant dans quelques chambres lumineuses et à travers des galeries sombres, pour lui faire découvrir ses œuvres. On imagine l’artiste créant ce parcours afin de faire entrer le public dans son imaginaire. On suit volontiers le fil de la pensée du sculpteur. 

Plusieurs sculptures rappellent le processus de création. Dans une grande antichambre, on découvre une énorme vitrine en plexiglas étiquetée « L’air ». La police rappelle celle du fameux tableau de Magritte : La Trahison des images où on lit « Ceci n’est pas une pipe ». Mais pourtant le contenu de la vitrine n’est il pas que de l’air ? Sur un squelette de plexiglas, une forme humaine est à moitié tissée de fils fins. L’œuvre nous fait l’impression d’un atelier de production ou d’une pensée en pleine création dans le cerveau, dans l’imagination de l’artiste.

En entrevue, Altmejd avait dit s’être détourné de la peinture après avoir découvert le pouvoir de la sculpture. En effet, il maîtrise à merveille la 3D.  Dans une conférence donnée au MAC en juin, Altmejd expliquait qu’une « sculpture a quelque chose de très particulier que les autres mediums n’ont pas […] Elle existe dans l’espace réel, elle a potentiellement la même présence qu’un corps ». 

À coté des ses statues de plâtre ressortent ses assemblages féeriques de cheveux synthétiques, noix de cocos, fruits divers, insectes en plastique, cristaux et latex. L’ensemble de ces oeuvres font référence à la force de la création humaine, à la métamorphose des choses, ou à l’énergie créatrice qui surgit des êtres (zèbres ou hommes). Avec l’aide de ses vitrines impressionnantes on peut découvrir des formes presque tangibles sur la face ouest, et qui se décomposent entièrement sur la face sud. 

Après cette visite dans l’imaginaire d’Altmejd, le visiteur ne peut que se plonger dans sa propre réflexion. Heureusement que la marée humaine qui grouillait devant l’exposition s’est dissipée et que la nuit de Montréal se prête bien a cet exercice de réflexion. ξ


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