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Abattre les cartes

Éditorial.

Luce Engérant

Motion portant sur la solidarité envers les étudiants et les protestataires demandant des gouvernements démocratiques, en particulier à Hong-Kong 

D’abord présentée pour l’assemblée générale d’automne, cette motion avait été reportée à l’assemblée générale d’hiver. Entre-temps, le conflit s’est essoufflé, étouffé. Est-ce pour cela que les pétitionnaires ont élargi leur champ d’attaque et rajouté un appendice faisant la liste des dizaines de pays à travers le monde ne disposant pas de démocratie électorale ? Curieuse démarche, cela dessert l’intention première. Le Délit déplore la maladresse de cette motion et refuse par conséquent de la soutenir. 

Motion concernant les stages non-rémunérés

Le Délit soutient cette motion, dans la mesure où les lois du travail applicables encadrent et autorisent à certaines conditions les stages non-rémunérés, dans les milieux caritatifs notamment. 

Motion concernant la politique de l’AÉUM pour une éducation accessible 

Sans hésitation aucune, Le Délit soutient cette motion. Nos prises de positions précédentes contre les différentes hausses des frais de scolarité, notamment cette année concernant les étudiants français, nous y convient expressément. Nous encourageons l’AÉUM à défendre une éducation postsecondaire accessible, et ce, aux niveaux de l’administration de McGill, du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral. Cette défense passe aussi par une sensibilisation et une mobilisation des étudiants aux enjeux politiques liés à l’éducation postsecondaire, trop souvent absentes sur notre campus. 

Motion concernant le désinvestissement des compagnies profitant de l’occupation illégale des territoires palestiniens 

Ce dimanche 15 mars 2015, McGill sera de nouveau un microcosme de la géopolitique internationale. Ce qui va suivre est vulgaire. À votre gauche se trouve « Not in our name », slogan de la campagne du Oui, auquel répond la coterie des étudiants arabes et gauchistes. À votre droite, « SSMU for All Students » représente la campagne du Non, rassemblant les juifs et les libéraux-réacs’ du coin. L’amalgame est permis. Les terroristes contre les pourfendeurs des droits de l’homme, les antisémites contre les islamophobes et les racistes, ou bien encore l’inverse. Tout cela va être dit car nous sommes au siècle du dicible. 

Les camps sont formés, les cartes s’abattent. Nous voyons McGill Student’s Solidarity for Palestinian Human Rights d’un bord, Israel on campus at McGill de l’autre ; NPD McGill d’un côté, PLQ McGill de l’autre. Les pions avancent : Oxfam, Conservateurs, Désinvestissons McGill, Investissons McGill, Militarisons McGill, Démilitarisons McGill, etc. 

Tombant en pleine Semaine contre l’apartheid israélien, moment de l’année où l’activisme pro-palestinien bat son plein, la motion de ce dimanche semble avoir été mûrie durant de longs mois par les activistes étudiants. Il faut dire que plus d’un avaient eu de la difficulté à avaler la défaite de l’assemblée générale du 22 octobre, troisième pour la cause palestinienne sur le campus depuis 2009. 

En décembre dernier, la Concordia Student Union a voté une motion similaire sur le désinvestissement. Avec quelque petites 200 voix d’écart, les étudiants ont tranché en faveur des dépositaires, une première. Autant vous dire que la réaction de l’administration ne s’est pas fait attendre. Le lendemain du référendum, le président de Concordia Alan Shepard a fait savoir qu’il n’était pas ravi. Madame Fortier fera certainement de même si la motion de dimanche venait à passer. Quel message une telle motion enverrait en effet aux donateurs historiques et aux bienfaiteurs de l’Université ?

En outre, constatant l’inévitable fossé qui sépare les groupes en présence, nous pensons qu’il serait nécessaire pour l’AÉUM de créer une cellule spécialisée dans le dialogue inter-étudiants sur le conflit israélo-palestinien, notamment entre les différentes associations communautaires (McGill Student’s in Solidarity for Palestinian Human Rights et Hillel McGill, par exemple) afin de prévenir tout débordement et de trouver des solutions durables pour que chacun se sente en paix sur le territoire mcgillois.

Rappelons-nous les débordements de 2002, lorsque Netanyahou avait été invité par Hillel à Concordia, le religieux-politique ne permet pas la demi-mesure. Les insultes fusent. Les débordements sont trop faciles. « It’s an emotional hot potato !» comme on dit dans des bureaux contigus aux nôtres. Mais pour aujourd’hui, la parole revient aux opprimés. 

Bien qu’elle soit encore truffée de fautes d’orthographe et de verbes aux conjugaisons inconnues, Le Délit soutient la motion en question, moins agressive et plus pragmatiquement formulée que celle proposée au semestre dernier. Il espère qu’elle sera un premier pas vers un dialogue ouvert et constructif sur ce campus aux milles possibilités. Amen.


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