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Un film soumis aux clichés

Coup de projecteur sur La désintégration, un film sur le terrorisme islamiste.

Pyramide Distribution

Le 12 février dernier, La désintégration de Philippe Faucon a été l’objet d’une projection spéciale au Cinéma du Parc, trois ans après sa sortie en salles et un mois après le grand rassemblement citoyen en hommage aux victimes des événements qui ont secoué la France début janvier. Ce film retrace le destin de trois jeunes d’une cité de Lille qui basculent dans l’islamisme fondamentaliste, endoctrinés par Djamel, un prêcheur qui jouera sur les désillusions sociales de ces trois garçons pour les entrainer dans le terrorisme. Le réalisateur aborde ici un thème cristallisé par les attentats de Charlie Hebdo : à l’instar des frères Kouachi clamant « Allahou Akbar » avant de tirer sur leurs victimes, Ali, Nasser et Hamza attaquent le siège de l’OTAN en Belgique au nom de dieu-le-tout-puissant. Cependant, face à une problématique profondément ancrée dans le débat politique et sociétal français, un film tel que La désintégration – même s’il se veut fictionnel – ne fait qu’exacerber les sur-simplifications et les amalgames, alors que les musulmans de France se battent encore aujourd’hui pour que ceux-ci cessent depuis les attentats de janvier 2015.

La musique arabisante dès l’apparition des crédits d’ouverture annonce la couleur : entre clichés et raccourcis, le spectateur restera distant face au récit tout au long du film, se demandant si le réalisateur n’aurait pas pu trouver trame narrative plus stéréotypée. Le film débute le jour de l’Aïd, la première scène présente une femme en train de mettre son voile et se poursuit sur le discours d’un imam qui dénonce le manque de place dans la salle de prière, autant d’éléments diégétiques censés nous introduire dans le monde des musulmans en France, mais semant encore une fois dans l’esprit des spectateurs des réalités fondées sur des associations stigmatisantes, mais pas moins récurrentes. 

Ce film ne cherche pas à étudier la place socio-culturelle des musulmans en France : au lieu d’ouvrir un dialogue intercommunautaire, il reste fermé sur le microcosme musulman, y greffant superficiellement, et sans jamais s’y attarder vraiment, l’histoire d’Ali qui s’insurge de la posture des employeurs français face aux demandeurs d’emploi aux noms arabes ou africains.  Au contraire, le film préfère insister sur le fait que la désintégration se fait de l’intérieur. En effet, si c’est une réaction contre le système qui conduit les trois jeunes à se réfugier auprès de Djamel, la désintégration ultime est celle des garçons, l’anéantissement jusqu’à la mort. Djamel arrive à les convaincre que l’islam de tolérance et d’amour prôné par l’imam de la ville est un « islam de municipalité » et joue de son charme et sur les faiblesses d’Ali, Hamza et Nasser pour les couper de leurs familles et de toutes les voix de raison. Ainsi, que La désintégration soit qualifié de film prémonitoire ou de prophétique ne fait qu’exacerber un raccourci déjà établi entre problème social et intégrisme islamique. 

D’un autre côté, la vitesse narrative empêche d’exploiter en profondeur les relations entre les personnages : le film se contente d’égrener pendant une courte heure et quatorze minutes des plans ennuyeux et des personnages stériles. À part Ali, sur lequel le film s’attarde quelque peu, aucun élément ne nous permet de connaitre Nasser, qui s’est fait chasser de chez lui par son père, ou Hamza, qui se fait appeler Nico, ni de comprendre leurs frustrations ou leurs motivations. Face à la voix douce de Djamel s’oppose le silence des trois garçons pendant tout le film, sauf pour finalement laisser Nasser annoncer qu’il est « prêt » à mourir pour Dieu. En donnant la parole au prêcheur qui récite des sourates ventant l’importance du djihad, le réalisateur passe à côté de toute justification psychologique qui aurait pu donner de la matière et de la texture au film, et préfère des ellipses d’une sécheresse figurative telle que les spectateurs se retrouvent démunis face au récit, dépourvus de tout outil pour rétablir ce qui est passé sous silence, et dubitatifs quant à la décision de Philippe Faucon de présenter des personnages si crédules et inanimés. 

Le journal Charlie Hebdo lui-même avait proposé une critique de La désintégration lors de sa sortie, le qualifiant de « Lénifiant, d’une platitude analytique et esthétique qui ferait passer un exposé de collège pour une thèse de normalien…».

Enfin, et pour finir sur une bonne note, il convient de souligner la performance de la mère d’Ali jouée par Zahra Addioui, si juste dans ses émotions et touchante ambassadrice de la religion qui se veut foi du cœur. 


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