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Vive l’Institution !

Quand jeunesse refait le monde.

Luce Engérant

L’institution est un mot qui fâche en Occident. Taxée de machine à reproduction sociale favorisant toutes sortes d’abus de pouvoir, elle est souvent et heureusement critiquée, méritant ainsi toute notre attention. Profitant de cette grande institution qu’est notre cher Délit, je me permets de soumettre quelques vagues réflexions sur ces entités indispensables au bon fonctionnement de la vie en communauté. N’ayant jamais lu une ligne de Foucault (pourtant vénéré parmi mes amis anglo-saxons) et fort d’un moyen 12/20 à l’épreuve de philo du bac français (section économique et sociale, qui plus est), ce texte est très loin d’opérer un éclairage philosophique mais traduit plutôt des expériences vécues, des observations faites en tant qu’étudiant, stagiaire, employé, repris de justice, patient, délégué international, déficitaire bancaire et autres situations circonstancielles de notre monde dit postmoderne.

L’idée d’écrire cette opinion m’est venue en regardant la « Master Class » du 15 mars 2013 du philosophe Michel Serres à l’École de la Communication de Sciences Po Paris. Empreinte d’un bel optimisme, sa réflexion sur l’évolution des modes de communication contemporains nous interpelle forcément, nous, jeunes connectés de la génération Y. Du haut de ses 84 bougies, la jeunesse de ses propos vient défendre l’idée d’un monde révolutionné où tous les outils technologiques nous seraient donnés afin de construire une société plus avertie et ainsi, plus juste. En ce sens, Michel Serres nous propose un regard vers l’avenir que je me permets, en toute subjectivité, d’interpréter de cette manière : nous permettrons-nous de repenser une société où le professeur n’aurait pas le monopole du savoir, le médecin celui de la santé, l’architecte celui de l’espace, l’avocat celui de la justice, le patron celui du capital et le politique celui du pouvoir réel ? Toujours existantes mais forcément décentralisées, les asymétries de pouvoir et autres abus institutionnalisés seraient ainsi moins nocifs. Plus démocrates, nous trouverions assurément des solutions plus adéquates face aux problèmes sociaux ressassés sans arrêt par nos médias.

Après quatre années universitaires et d’innombrables heures à arpenter les réseaux sociaux, une question me trépigne malheureusement toujours : mais où sont donc passés nos anars, nos cocos, nos syndiqués, nos rockstars ? La peur du chômage dans un monde de plus en plus compétitif nous aurait-elle à ce point asphyxiés ? Existe-t-il des libertaires et révolutionnaires du 21e siècle ? En effet, le conservatisme des gens de mon âge me semble être une évidence. Les jeunes d’aujourd’hui sont trop sages, les étudiants trop sérieux. La police se tourne les pouces. La violence ne s’exerce plus dans la rue ou au sein d’espaces publics de plus en plus fragilisé, mais plutôt à l’école, au sein des entreprises, dans nos institutions, de manière plus discrète. Au même instant, ces dernières dépérissent, dédaignées, fatiguées, sans remède. Assemblées accablées, universités ruinées, musées inusités, hôpitaux surchargés et autres antiquités : il est grand temps de penser à se repenser. On ne va tout de même pas le faire pour vous, nous, les jeunes. On espère le faire avec vous.


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