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« Making money is art. »

« Warhol s’affiche » au MBAM.

Éléonore Nouel

Roi de l’art ? Roi du marketing ? Warhol a tout fait, touché à tout. Si une exposition devait retracer toute son œuvre, elle devrait concilier films, musiques, photographies, peintures, dessins… Difficile. Seule la fameuse Factory de l’artiste pouvait harmoniser un tel ensemble. Le Musée des beaux-arts de Montréal devait donc faire un choix et a pris le parti de l’affiche publicitaire.

Le marketing est sans aucun doute l’un des domaines de prédilection de Warhol. Sa technique de la photographie sérigraphiée, la simple efficacité de son œuvre et sa maîtrise du graphique feront sa gloire. Tout est déjà présent dans ses représentations de la soupe Campbell qui marquent le début de sa carrière Pop Art. À partir de ce moment, il recevra de nombreuses commandes d’affiches publicitaires. Chronologiquement, c’est là que l’exposition entre en scène. Ce sont ces commandes qui vont suivre que le Musée propose au visiteur. Warhol en réalisera cinquante-deux, « toutes présentes à une exception près » précise Diane Meunier, guide bénévole au musée. 

La représentation de célébrités, pour des promotions de disques, ou pour des couvertures de magazines, occupe une place centrale dans son portfolio d’affiches. Warhol fait toujours efficace, il prend une caractéristique principale et la représente sans artifice. La technique est compliquée mais le message est simple. Ainsi, Diana Ross est représentée très sensuelle, les Beatles sont sympathiques à souhait, et le groupe japonais Rats and Stars est bleuté pour se rapprocher physiquement des artistes R&B afro-américains. Un message artistique ne saurait être plus direct que celui de Warhol. Cependant, il lui arrive de faire quelques écarts. C’est le cas avec une étrange représentation d’un cochon très coloré dont Diane Meunier nous raconte l’histoire : « il devait faire une affiche pour une imprimante couleur. Warhol, trouvant une imprimante bien trop laide, décide plutôt de prendre un cochon comme modèle ». Dans un élan de génie publicitaire, il photographie un vrai cochon sur lequel il peint des fleurs. Cette affiche délirante pour un produit qui l’est très peu est ornée des mots « As pretty as a pigture ». Warhol est assurément un personnage insolite. Même les personnalités françaises ont droit à leur part d’affiches puisque l’exposition présente également des portraits de Jean Cocteau et de François Mitterrand, réalisés respectivement pour Libération et Le Nouvel Observateur.

Cependant, le coup de génie de Warhol ne se trouve pas dans le portrait des personnalités, mais plutôt dans le portrait des marques. Dans les représentations de Perrier ou d’Absolut Vodka présentes à l’exposition, Warhol semble peindre le portrait des bouteilles comme il le ferait pour des êtres humains. Cette tendance à donner une image plus humaine à des objets influence aujourd’hui les philosophies du marketing : Coca-Cola veut apparaître comme une marque heureuse,  Apple comme une marque créative. Warhol a‑t-il alors eu une influence sur le marketing moderne ? Diane Meunier répond à l’affirmative.

Il semble cependant presque logique que Warhol influence une activité si lucrative en écoutant ses réflexions sur l’argent. Oui, définitivement, faire de l’argent, c’est de l’art.


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