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Le vice de Paul Thomas Anderson

Voyage entre paranoïa et hallucinations, pour le meilleur mais surtout pour le pire.

Robert Elswit

Connu pour ses longs films de 2h30 minimum, le réalisateur de Il y aura du sang et Le Maître, Paul Thomas Anderson, s’attaque au roman de Thomas Pynchon. Vice caché — ou Inherent Vice pour les anglophones — dépeint un Los Angeles des années 1970 décomplexé, loin d’un conservatisme ancré dans la société quelques années plus tôt.

Le film est centré sur le personnage de Doc Sportello, détective privé accro au cannabis brillamment interprété par Joaquin Phoenix. Son ex-petite amie (Katherine Waterston) lui rend visite un beau jour et implore son aide pour retrouver le promoteur immobilier milliardaire dont elle est amoureuse, afin d’empêcher son internement psychiatrique manigancé par la femme de ce dernier et son petit ami. Sportello s’embarque alors dans un long et pénible périple où paranoïa et hallucinations règnent en maître et dans lequel il risquera sa vie à ses dépens. Il rencontrera sur ses différents chemins des personnages tout aussi atypiques que déjantés et finira par atteindre une organisation appelée Golden Fang spécialisée dans les affaires obscures d’héroïne et de dentisterie. 

Vice caché a la caractéristique de n’appartenir à aucun genre propre, pas assez sérieux pour un film noir, et trop sage pour un film hippie à la narration tarabiscotée. Le film jouit d’une impressionnante distribution, allant de Josh Brolin en déjanté policier Big Foot, à Owen Wilson en saxophoniste déserteur face à sa famille. Malgré une distribution pétillante, une bande-son succulente et une maîtrise absolue de la caméra, le spectateur se perd tout autant dans le film que le protagoniste dans son affaire. On avance à tâtons au fil des deux heures et demie qui se révèlent très longues, pour n’en ressortir que plus confus et perplexe. La trame est tissée au fur et à mesure par les différents personnages qui importent leur monde et leurs personnalités propres face à une liberté permise pendant cette époque d’émancipation. Mais tout cela peut prendre tournure seulement si le fond et la forme sont cohérents. Or, le film s’entremêle et se perd dans une trame narrative trop longue et des personnages trop nombreux pour garder le rythme. On se surprend alors à regarder le film sans trop savoir ce qui se passe, et on se résigne à l’accepter : on s’ennuie.

Après avoir énormément aimé les deux derniers films du réalisateur, je n’en suis ressortie que plus déçue, me demandant quel malheur avait frappé Anderson pour réaliser un film aussi lent en action que faible en émotion. Ce qui faisait la force de ses précédents films ne ressort ici qu’en tant que défaut qui porte atteinte à l’œuvre. Non, Vice caché n’est pas la dernière pépite du réalisateur, ni même un film audacieux. Il n’est qu’une bouillie hallucinogène dans lequel un spectateur trop rationnel perdra son temps dans un scénario sans queue ni tête. On se réconforte avec l’idée que le réalisateur est capable de se rattraper dans les prochaines années avec un autre long métrage : on oublie alors un temps Vice caché, jusqu’à la prochaine critique. 


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