Aller au contenu

Fait du logis

Un besoin d’initiatives en matière de logements étudiants abordables.

Prune K.

Le manque de logements étudiants abordables à Montréal est toujours d’actualité. Les étudiants de l’Université McGill et des autres établissements d’enseignements supérieur ont aujourd’hui plusieurs choix en terme d’habitation autour de leur campus ; mais ces options ont chacune leurs limites, et conduisent de nombreux étudiants dans des situations financières ou logistiques compliquées.

Les résidences universitaires ont une capacité très limitée. De plus, ce type de logement est surtout destiné à une population transitoire, et a donc la possibilité de proposer des prix très élevés. McGill, tristement, en est le parfait exemple. Les frais d’habitation de ses résidences du centre-ville sont en moyenne deux fois plus importants que ceux des autres universités de Montréal. En effet une chambre simple dans Solin Hall (la résidence la plus abordable de McGill, et légèrement excentrée qui plus est) coûte 1013 dollars par mois, alors qu’un même type de logement à l’Université de Montréal (UdeM) coute 375 dollars par mois, et 525 dollars à Concordia. De plus, les prix des résidences mcgilloises semblent augmenter sans cesse depuis ces dernières années (environ 25% en trois ans). Janice Johnson, du service de logement étudiant et d’hôtellerie de McGill, justifie les loyers peu compétitifs des résidences de McGill par les services qui y sont offerts aux étudiants. En effet ces résidences « ont pour mission d’être plus que de simples logements pour les étudiants » : les résidences de McGill emploient de « larges équipes de haut niveau » pour soutenir les étudiants. Enfin, « la plupart des bâtiments de résidence sont très anciens et sont chers à maintenir. » 

Le secteur privé propose également des logements temporaires très dispendieux, notamment dans des hôtels reconvertis. On a vu depuis quelque temps fleurir dans le quartier de McGill, des résidences offrant une multitude de services, mais à un prix très élevé : par exemple la toute nouvelle résidence Evo située sur Sherbrooke, à deux pas de McGill, propose des chambres simples dès 1150 dollars par mois. 

Restent les locations d’appartements privés entre particuliers. Mais comme nous l’explique Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de l’Université McGill en entrevue avec  Le Délit, bien que la collocation étudiante se présente comme une solution plus abordable, les loyers continuent d’augmenter et « les quartiers où les étudiants trouvent des logements abordables, seuls ou en groupe, sont situés plus loin des universités que dans le passé ». Cela sous-entend donc des temps de déplacements plus longs, et souvent plus chers pour ces étudiants. 

Des étudiants délaissés par les aides publiques

Bien qu’étant une part de la population aux revenus particulièrement bas et aux dépenses fixes élevées (essentiellement liées aux frais scolaires), les étudiants sont généralement exclus des services d’aides au logement public au Québec. Les étudiants ne sont pas éligibles au programme d’allocation logement, ni aux habitations à loyer modique (HLM), ni aux logements coopératifs subventionnés, à part s’ils ont un enfant à charge. De la même façon, les logements coopératifs publics sont aujourd’hui très peu orientés vers les étudiants. En effet, Accès logis — un programme d’aide financière qui encourage le regroupement des ressources publiques, communautaires et privées pour favoriser la réalisation de logements sociaux et communautaires — stipule qu’«un programme visant uniquement une clientèle étudiante n’est pas admissible » par leur programme.  La nécessité de développer une autre voie pour ouvrir l’accès à des logements étudiants plus abordables s’est donc fait sentir. 

Une initiative indépendante au secours des étudiants

L’Unité de travail pour l’implantation du logement étudiant (UTILE) est un groupe d’étudiants qui vise à développer de nouveaux types de logements et de coopératives à Montréal. Malgré cet enjeu spécifique, ils jouent sur plusieurs tableaux : la recherche et développement, la communication, l’étude de marché, et la promotion. Le Délit a pu obtenir une entrevue avec Laurent Levesque, coordonnateur général de l’organisme.

La solution selon l’UTILE ? Après une étude de marché, la réponse semble porter vers les coopératives étudiantes. L’organisme projette de lancer la première d’ici 2017. Un test qui pourrait mener au développement d’initiatives similaires à travers la province. Ces « coops » promeuvent de larges colocations pour amoindrir les frais par personne ; en opposition aux résidences universitaires qui, pour la plupart, proposent des studios ou de petits appartements. Une « coop » rassemblera plusieurs de ces appartements autour d’espaces et d’activités en commun, comme des groupes d’achat ou des ateliers collectifs. D’autre part, l’UTILE va créer, l’hiver prochain, un site web qui inclura de nombreuses informations relatives au logement à Montréal : de la manière de faire ses recherches aux droits des locataires, en passant par les différents quartiers de la ville et d’autres recommandations.

M. Levesque souligne que l’offre et la demande actuelles n’incitent en rien les universités à proposer elles-mêmes des logements plus abordables. « Si la population étudiante veut une option d’habitation pas chère, […] il faut qu’on le fasse nous-mêmes ! », affirme-t-il. L’UTILE travaille par ailleurs sur différents projets avec de nombreuses associations étudiantes, et collabore horizontalement avec des organismes étudiants qui partagent le même but, afin d’échanger leur expertise.

L’oasis de la coopérative

Ce n’est pas la première fois que l’on voit des initiatives telles que celle-ci. Depuis 2002, le U.S. Department of Energy Solar Decathlon organise des compétitions d’architecture environnementales interuniversitaires à travers le monde. À Versailles, en France, des équipes d’étudiants présentaient, l’été dernier, leurs projets pour la prochaine édition. Le logement en coopérative est récurrent. La mise en commun des espaces et des appareils électriques permet de faire chuter à la fois les coûts et l’empreinte carbone d’une collectivité. Les médias ont souvent parlé de ce type de logement comme étant « l’habitat du futur ». 

Raphaël Fischler nous a lui-même confirmé que « la coopérative est une excellente idée pour faire face au manque de logements abordables, que ce soit pour des étudiants ou d’autres personnes ». Il explique qu’au-delà des avantages de coûts, le logement en coopérative offre la possibilité de participer à des activités communes, ce qui en fait « un lieu d’apprentissage intéressant pour des activités futures dans la gestion d’organismes communautaires, des activités de leadership, etc. » Raphaël Fischler soulève cependant que cette vie en communauté peut être plus difficile à développer avec une population étudiante, donc « transitoire ». De plus, la création de logement coopératif « exige du soutien du gouvernement », or les fonds sont limités et ne permettent généralement pas de créer ces « coops » dans les quartiers alentours aux universités (généralement plus chers).

Dans tous les cas, les étudiants sont extrêmement dépendants des subventions du gouvernement. À défaut de s’attaquer au problème à la racine, les initiatives en matière de logement semblent tout de même être capables d’améliorer la situation. Le lancement de la « coop » de l’UTILE en 2017 permettra à cette hypothèse de faire ses preuves.


Articles en lien