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Et si Emma Watson était Mme Tout-le-monde ?

Parole à la défense de l’Ambassadrice pour les droits des femmes aux Nations Unies. 

Un peu plus de deux semaines après le début de la campagne He For She, on compte aux alentours de 170 000 partisans de sexe masculin sur le site du mouvement. He For She est un mouvement féministe qui reprend les enjeux « classiques » du féminisme, à savoir les luttes pour l’égalité en termes de salaire et d’éducation par rapport à la gent masculine, tout en abordant aussi des thèmes comme le mariage forcé. Dans un monde si prompt à demander du nouveau, le mouvement innove en invitant officiellement les hommes à s’engager contre les inégalités faites aux femmes.

À première vue, il s’agirait d’une bonne manière d’engager un changement social en prenant en compte le maximum de personnes. Ainsi, au lancement de la campagne, le 20 septembre dernier, l’icône du mouvement, Emma Watson, semblait loin de se douter qu’elle déclencherait une controverse dans divers milieux féministes. Pourtant, plusieurs voix se sont hâtivement élevées contre le mouvement et une variété de critiques ont été lancées à l’encontre de la douce Emma.

« Sauvez Emma »

Le Don Quichotte que je suis dérive d’un style scolaire pour m’approprier le débat et défendre à mon tour la belle Emma.

Face à une actrice, rien de mieux qu’une scène de film pour clarifier le jeu : Emma Watson, alias Bambi et le(s) chasseur(s). Quelles sont les charges ? Bambi a un pelage trop soyeux, il est décidément trop connu dans la forêt et utilise sa célébrité pour faire passer un message qui ne le concernerait alors qu’à moitié.

On dénonce He For She comme étant un mouvement féministe dans l’air du temps, qui utilise une icône pour faire passer un message. Ce féminisme « grand public » et « à la mode » ne s’attaquerait qu’à une partie du débat, car il est défendu par des célébrités triées sur le volet, alors que les mouvements qu’elles représentent concernent une variété considérable d’individus, lesquels ne sont pas nécessairement blancs, bien éduqués, riches, beaux, etc… Le tort d’Emma serait qu’elle n’est ni un individu lambda, ni un membre de la communauté LGBT qui vit un quotidien potentiellement différent d’une personne « cisgenre ». Bambi n’est ni généralité, ni minorité opprimée ; alors certains crient à l’arnaque quand elle se présente comme ambassadrice du féminisme.

Seulement voilà, ce jeu de culpabilité ne marche pas ! En effet, qui mieux qu’une jeune femme connue par le monde entier peut discourir en ayant autant de portée, sans pour autant perdre le fond du message féministe ? L’image d’Emma à l’ONU a conquis les réseaux sociaux et frappé les esprits, plus profondément que le baiser entre Hermione et Ron dans le dernier film Harry Potter.

D’autres l’accusent de manquer de légitimité. Une jeune femme à qui la vie, jusque-là, a souri, peut-elle prendre la parole au nom des autres ? À cette question, j’en propose d’autres. Se demande-t-on si Marx, de par son éducation bourgeoise, était en position légitime pour fonder une idéologie qui servirait aux plus souffrants que lui ? Doit-on nécessairement être victime de quelque chose pour rejoindre une cause ? Si Emma Watson s’appelait Mme Tout-le-monde, ces sophismes ne s’imposeraient pas.

Prenons plutôt comme exemple Elisabeth Badinter, une femme de lettres engagée et qui adopte une position rationelle, en écartant la misandrie de la balance. Emma Watson suit cette démarche en invitant les hommes à rejoindre le mouvement en insistant sur le fait qu’il ne peut pas y avoir d’avancée constructive dans un système à deux temps. Il s’agit non pas d’une lutte, mais d’un travail de société qui demande l’accord des différents partis qui la forment. Et de la même manière que Mrs. Watson termine son discours, j’invite quiconque lit cet article à questionner l’engagement pour la cause féministe : sinon moi, qui ? Sinon maintenant, quand ?


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