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Quentin Dupieux, le retour

Nouveau cinéma, prise de tête et stylo bic.

Luce Engérant

Une fois de plus, les renards verts des affiches annonçant l’arrivée du Festival du nouveau cinéma (FNC) ont envahi les rues de Montréal. Le FNC et sa programmation inédite sont de retour pour présenter des œuvres originales et faire vibrer une audience avide d’innovation cinématographique.

 La projection de Réalité, 5e long-métrage du réalisateur français Quentin Dupieux, réputé pour son approche énigmatique et décomplexée de l’art de donner vie aux images, donne le ton du festival. Réalité fait partie de ces œuvres qu’il est difficile de résumer de façon cohérente. D’un côté : un sanglier, une cassette vidéo et une petite fille, de l’autre, un réalisateur qui dispose de 48 heures pour trouver et enregistrer le cri d’horreur parfait pour son prochain film. Le soleil des alentours de Los Angeles se mélange à l’accent français d’Alain Chabat et un stylo bic —détail incongru que le spectateur, j’espère, saura repérer— dans ce décor pleinement nord-américain. La performance de celui qui sera toujours « le réalisateur d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre » est d’ailleurs à souligner tant elle est naturelle et se fond dans l’esprit de Réalité. En effet, son jeu concourt à rendre normal un scénario et des dialogues absurdes, notamment lors d’une longue discussion avec son producteur (Jonathan Lambert) où ils négocient le plus sérieusement du monde un scénario des plus risibles.

Une des marques de fabrique de ce cher Dupieux, c’est parvenir à donner une impression de consistance et de sens à ce qui, à première vue, n’en a pas. Après avoir assisté à la projection de Wrong ou Rubber (avec un pneu en guise de personnage principal), sortir de la salle confus et désorienté commence à virer vers l’habitude lorsqu’on est confronté au travail de celui qui tapote sur ses platines sous le nom de Mr.Oizo entre deux scénarios toujours plus loufoques. La lenteur de certains plans de Réalité et la simplicité du montage nous laissent le temps de réfléchir et de nous demander ce qu’on est censés penser face aux nœuds et au délire que constituent le découpage du film. On lui en veut parfois car on sait qu’il s’amuse à piéger continuellement le spectateur mais en même temps, même après le vrai bazar psychique qu’occasionne Réalité, on est convaincu qu’on aurait dû avoir compris et qu’il y a quelque chose qui nous échappe. 

Pour finir, un autre thème qui place le cinéaste dans la lignée de ses prédécesseurs : le cinéma dans le cinéma. Certaines scènes du film nous placent face à une salle de projection dans laquelle certains personnages regardent le même film que nous et nous font, par ce stratagème, rentrer nous aussi dans le film. En déconstruisant le cinéma et en chatouillant nos certitudes, Réalité représente un bel exemple de ce qui risque de nous attendre au Festival du nouveau cinéma : du neuf, des expériences, bref, une bouffée d’air frais dans le 7e art.


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