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Nous jasons, vous jasez ; ils jazzent

La 15e édition du festival Off Jazz de Montréal investit les salles du centre-ville.

Éléonore Nouel

Pour beaucoup, en ce vendredi 3 octobre 2014, une nouvelle semaine s’achève, avec son lot de curiosités, et sûrement plus encore, ses banalités quotidiennes. Sur le coup de 19h, une petite foule s’attroupe à l’entrée du Lion d’Or, jolie salle de cabaret installée sur la rue Ontario depuis 1930. La raison de ce rassemblement n’a rien d’extraordinaire : l’Off Jazz de Montréal débute ; une soirée d’ouverture se prépare ; et les rares aficionados du genre répondent à l’appel.

Attablé, éclairé par la lueur des bougies, le public patiente. Lors d’un bref discours d’introduction, le président du festival Lévy Bourbonnais se dit heureux de reconnaître des visages familiers. Il insiste sur l’importance de soutenir le jazz aujourd’hui, alors même que cette musique traverse une période difficile. Effectivement, dans une entrevue accordée à La Presse (L’Off Jazz ratisse large pour ses 15 ans, numéro du 3 octobre 2014, ndlr), il indique : « Après 15 ans d’existence, nous poursuivons dans la même veine, c’est-à-dire de présenter et représenter la scène locale, montréalaise ou québécoise. L’équipe de l’Off Jazz travaille très fort pour très peu : notre mince budget est de 180 000$, dont 27 000$ sont consacrés aux cachets d’artistes. » Sur une note moins grave, le président laisse place aux artistes, en l’occurrence, Alexandre Grogg (piano) et Michel Lambert (percussions), réputés pour leur fidélité irréprochable à l’Off.

Originaires de Montréal, ces deux musiciens forment un duo éclectique, où le silence, l’improvisation et l’expérimentation jouent des rôles majeurs dans leurs compositions.

Se dégage de la performance la sensation d’une musique en construction, rarement aboutie. Lambert, professeur de batterie à l’École de musique Schulich de McGill, utilise des bouts de ferraille, un archer et une chaîne métallique afin de complémenter son répertoire. Les effets sont intéressants, toutefois marqués par des expressions dubitatives de la part du public. Alexandre Grogg adopte une approche plus classique vis-à-vis de son instrument, tout en y mêlant une part de poésie afin d’exprimer sa créativité personnelle. C’est une musique originale, complexe, voire parfois même cérébrale que nous livre le duo, demandant une bonne connaissance de l’univers du jazz et de la musique contemporaine pour pouvoir réellement l’apprécier.

En deuxième partie, le Micheal Formanek Quartet fait son entrée sur scène. Fraîchement arrivé de New York, le groupe est composé de Tim Berne au saxophone alto, Jacob Sacks au piano, Tyshawn Sorey à la batterie et Micheal Formanek lui-même à la contrebasse. Bien plus traditionnel, le groupe entame une série de morceaux caractérisés par des improvisations collectives, des solo breaks et des riffs particulièrement enivrants. Les titres « Wobble and Spill » et « Rising Tensions » rappellent les styles de Miles Davis, John Coltrane et autres jazzmen accomplis. Petit à petit, les vibrations du saxophone de Berne projettent le Lion d’Or dans une ambiance particulière, où le public semble capturé par la magie du jazz. On notera également les solos particulièrement impressionnants sur le plan technique du jeune pianiste new-yorkais Jacob Sacks.

À l’affiche jusqu’au 12 octobre prochain, l’Off nous réserve assurément de belles surprises. Un rendez-vous à ne pas rater et à savourer autour d’une bière locale ou d’un cocktail fruité, pour les plus sophistiqués.


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