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Les précaires haussent le ton

La Coalition opposée au travail précaire sollicite le ministre du Travail québécois.

On compte 450 000 travailleurs précaires au Canada aujourd’hui, pauvrement payés, n’ayant aucune sécurité sociale ni garantie d’emploi. C’est en leur nom que se sont réunis ce jeudi 25 septembre, devant le ministère du Travail québécois, une quinzaine de membres de la Coalition opposée au travail précaire. Déplorant un manque de considération et de visibilité, ils réclament un entretien avec le ministre du Travail Sam Hamad pour traiter d’une situation qui devient alarmante. Le Délit a pu obtenir des entrevues sur place avec plusieurs représentants d’associations impliquées.

Selon Helena Sanchez, représentante de l’Association des travailleurs et travailleuses étrangers temporaires, les politiques n’accordent que peu d’importance à la cause des travailleurs immigrés car ceux-ci ne disposent pas du droit de vote ; il n’y a donc pas d’intérêt électoral à s’intéresser à leur situation. Tess Tesalona, membre du Centre des travailleurs immigrants de Montréal (CTIM), se plaint d’une représentation infidèle de la situation par les médias, qui ne montrent pas les abus dont sont victimes ces travailleurs précaires et les accusent, à mots voilés, de voler le travail de citoyens canadiens. Le CTIM a à cœur d’offrir une image authentique de ces travailleurs et de leur situation : il projettera le 15 octobre prochain à l’Université Concordia un documentaire présentant le quotidien de travailleurs immigrés au Canada.

Cependant, l’urgence de la situation fait que l’opinion publique et la classe politique ne peuvent dorénavant plus ignorer ce problème. Comme le soutient Jacques Dago, porte-parole de l’Association des travailleurs et travailleuses d’agences de placement (ATTAP): « La situation n’est déjà pas reluisante au Québec pour les travailleurs précaires, mais elle se dégrade encore. » Il dénonce ces agences de placement, au nombre de 1200 au Québec en 2008, qui profitent d’un manque de régulation flagrant au niveau provincial pour abuser des travailleurs immigrés. Ceux-ci sont particulièrement vulnérables aux abus : sans aucune garantie d’emploi ou de résidence, ils sont réduits à travailler dans des conditions qui souvent ne respectent pas le Code du travail québécois. Payés moins que le salaire minimum en place, sans indemnités de vacances ou de santé, forcés à effectuer des heures supplémentaires non rémunérées, ces travailleurs souffrent souvent de conditions de travail bien inférieures à la moyenne. 

Cela ne les rend que plus en demande sur le marché du travail, et certains de ces travailleurs voient leur statut « temporaire » se pérenniser, parfois jusqu’à cinq années de succession d’emplois saisonniers ou de renouvellements de contrat annuels, témoigne Jacques Dogo. Leur nombre a triplé depuis 2006 ; de nombreux secteurs reposent de plus en plus sur cet afflux de main‑d’œuvre bon marché. Dans l’agriculture, dans les commerces, notamment la restauration rapide, dans l’hôtellerie et les soins, par exemple, ils sont devenus indispensables. Selon M. Dogo, la proportion de travailleurs intérimaires peut atteindre jusqu’à 70% de la main- d’œuvre totale dans certaines entreprises.

C’est sur cette importance grandissante qu’entend capitaliser la Coalition opposée au travail précaire. Représentant approximativement 2,5% des travailleurs au Canada, leur syndicalisation, en cours, donnerait aux travailleurs précaires un poids politique conséquent. C’est avec cette assurance que la Coalition présente cinq revendications majeures : l’augmentation du salaire minimum, une sécurité sociale et des conditions de travail respectables, une « régulation codifiée et renforcée », la fin de la discrimination envers les employés domestiques et l’accès facilité à un permis de résidence permanent. Prenant notamment exemple, comme le revendique Jacques Dogo, sur le système social européen, qui garantit le droit à la résidence permanente après cinq ans. Ainsi, en dépit de multiples échecs passés, Helena Sanchez se montre optimiste quant à cette nouvelle solidarité des travailleurs précaires et conclut : « On doit garder espoir malgré tout. »

La Coalition opposée au travail précaire organisera le 7 octobre prochain la Journée mondiale pour le travail décent, une manifestation de grande ampleur, au Square Victoria à 17h30.


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