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L.A. Phil du bon coton

L’OSM reçoit le prestigieux Orchestre philharmonique de Los Angeles.

Mathew Imaging

Alors que l’Orchestre symphonique de Montréal est en tournée européenne du 11 au 25 mars 2014, la Maison symphonique reçoit l’Orchestre philharmonique de Los Angeles (Los Angeles Philharmonic, L.A. Phil), considéré comme l’un des meilleurs orchestre au monde. Au programme : la Symphonie No.1 de John Corigliano et la Symphonie No.5 en mi mineur de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Deux symphonies composées à un siècle d’intervalle et aux styles différents, la première étant contemporaine et la seconde, romantique.

La Symphonie No.1 de John Corigliano, récipiendaire de l’Oscar de la meilleure trame sonore en 2000 pour Le Violon Rouge (François Girard), a été composée en 1988–1989, alors que l’épidémie de SIDA faisait rage. Corigliano l’a écrite en hommage à des amis qui sont décédés des suites de la maladie. En effet, chacun des trois premiers mouvements est dédié à une personne chère au compositeur.

Le premier mouvement, « Apologue : Of Rage and Remembrance », est dédié à un ami pianiste. Le mouvement débute avec choc et intensité. Dudamel crée un chaos pour rappeler la tension et la peur de la maladie destructrice mais peu connue à l’époque. On y retrouve des extraits au piano du Tango, d’Isaac Albéniz, en trame de fond, comme un fantôme, alors que les cordes jouent pianissimo, pour créer une ambiance de nostalgie et de mélancolie. Chose intéressante : la pianiste de l’orchestre fait des allers-retours sur scène et en coulisse pour aller jouer, inaperçu, des extraits du Tango, ce qui fait se demander au spectateur l’origine de cet air fantomatique.

La pièce se poursuit avec la Tarantella, une forme musicale traditionnelle italienne très énergique pour littéralement repousser la folie suite à la piqure de tarentule. Dans cette partie, la tarentule, c’est le SIDA, et il faut alors se battre contre la démence de cette maladie mortelle qui peut causer autant des périodes schizophrènes et hallucinatoire que des moments de lucidité et de calme. C’est pourquoi ce mouvement passe souvent de l’intensité chaotique à la douceur.  Dudamel maîtrise ces contrastes avec brio, créant ainsi un plus grand impact pour le spectateur.

Le troisième mouvement, « Chaconne : Giulio’s song », un hommage à un ami violoncelliste du compositeur, est certainement le plus émouvant. Il débute avec les violoncelles, altos et contrebasses, pour ensuite se poursuivre en un solo puis un duo entre les deux principaux violoncellistes, qui sont bouleversants. Une interprétation divine de la tristesse, de la perte et de la maladie qui détruit tout sur son passage, sans pitié.

L’épilogue est un rappel de tous les mouvements précédents. On y retrouve de nouveau le Tango nostalgique d’Albéniz, la tarentelle démentielle et les violoncellistes mélancoliques pour capturer une dernière fois le choc, la peur, la tristesse et le ravage causé par cette nouvelle épidémie. Les toutes dernières mesures sont mémorables. Après une ultime phrase emmenée par les percussions, un la joué par  le violoncelle émerge de ce vacarme

Somme toute, la Symphonie No.1 est une expérience musicale émotionnelle carrément émouvante qui démontre qu’avec des musiciens chevronné et un chef d’orchestre magistral, on peut transmettre des émotions plus puissantes qu’avec des paroles. Ça fait mal et c’est beau.

Après l’entracte, le L.A. Phil entame la Symphonie No.5 de Tchaïkovski, qui fut composée à la suite d’une époque difficile pour le compositeur, dont le mariage désastreux avec Antonina Milyukova, qui le poussa, dit-on, à une tentative de suicide. Ainsi, le thème de cette symphonie est l’homme qui accepte de suivre son destin et sa capacité à survivre dans l’adversité et la dépression.

La pièce débute avec des clarinettes, violoncelles et altos, sur un thème grave. S’ensuit un phrasé plus énergique et dynamique, à la mélodie bien reconnaissable, qui fait de la Cinquième Symphonie l’un des morceaux phares du compositeur russe. C’est lyrique et mélodique.

Le finale est une victoire, qui rappelle l’«Ouverture Solennelle 1812 » par son intensité et l’enthousiasme qu’elle suscite. En fait, ce fut si brillamment exécuté que l’orchestre californien a eu droit à une ovation. Devant un tel succès, Maestro Dudamel invite ses instrumentistes à enchaîner un rappel. Si le rappel n’est pas coutumier à Montréal – l’OSM n’en a fait qu’un en cinq ans – les orchestres en tournée, soucieux sûrement de leur image internationale, offrent souvent ce petit plaisir au public. Ce geste de spontanéité dans l’univers de la musique classique est souvent très apprécié ; celui du 20 mars dernier n’a pas échappé à la règle

La réputation du L.A. Phil n’est plus à faire, Dudamel dirige merveilleusement ses musiciens et sait créer une harmonie des sons et chaque section joue juste en ce sens. Il y a une chimie et un excellent travail d’équipe entre les musiciens, le secret pour un orchestre de renom.


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