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Déjà grands

Les Petits Violons montrent l’amour de la musique à travers la méthode Cousineau.

Il y a un mois, Le Délit sortait ravi du concert de l’ensemble Cousineau, qui interprétait deux morceaux de Schubert (voir « Vous avez dit Quartettstatz ? », Le Délit volume 103, numéro 12). Cette semaine, c’est avec le même enthousiasme que nous vous parlons de leur dernier concert, qui s’est déroulé le dimanche 16 février à l’église du Gesù.

Cette fois, les élèves de l’école Les Petits Violons se sont joints à leurs professeurs pour interpréter quelques pièces phares des répertoires baroques et classiques : des extraits de la Partita n°3 de Bach, le Concerto pour violon en sol de Vivaldi, ainsi que deux pièces de Mozart, le Duo pour violon et alto en sol majeur et un Quatuor à cordes. L’ensemble donne un joli tableau, dans lequel le mélange des âges et des niveaux s’efface derrière une passion commune pour les instruments à cordes. La performance est touchante et bien menée, dans un esprit intime et convivial qui séduit autant les passionnés de musique classique que les novices et les curieux.

Ce concert met une fois de plus en lumière l’école des Petits Violons, fondée en 1974 par le violoniste québécois Jean Cousineau, et dont la fille Marie-Claire est aujourd’hui la directrice. Si elle reste encore une petite structure –l’école compte une quarantaine d’élèves– elle est désormais reconnue nationalement pour ses méthodes d’enseignement. « La méthode Cousineau, on y croit ou on n’y croit pas. Moi, quand ma fille a voulu faire du violon, je me suis tout de suite tournée vers cette école », explique au Délit Denise St-Pierre, pianiste professionnelle, dont la fille Zoé St-Pierre-Belzile a été élève aux Petits Violons avant d’y être maintenant professeure. La sélection se fait à l’âge de cinq ans, suite à un test et une entrevue, et on n’hésite pas à rejeter des jeunes élèves si on voit qu’ils « manquent de potentiel », poursuit Madame St-Pierre. Pour l’heureux élu qui intègre l’école, un des parents de l’enfant doit se désigner « parent coach ». Il sera présent lors de chacun des cours de sa progéniture, et aura un rôle prépondérant dans son apprentissage. « Si l’enfant ne travaille pas, le parent se fait engueuler aussi », raconte ainsi Denise St-Pierre. « Je me souviens être allée à des cours la boule au ventre, car je savais que j’allais me faire engueuler car ma fille n’avait pas assez pratiqué ».

En contrepartie, la méthode Cousineau forme des musiciens d’une grande technicité. Les cours se fondent sur deux critères : l’apprentissage d’une kinési plus efficace et le rôle du cerveau et du système neuro-moteur dans le jeu du musicien, mettant ainsi en œuvre une certaine intellectualisation du geste esthétique.

On est loin d’une conception de l’apprentissage musical pour tous et pour le plus grand nombre. L’élitisme et la reproduction sociale se créent dès le plus jeune âge, en refusant des enfants de cinq ans qui voudraient s’initier au violon, mais aussi en obligeant un des parents à « coacher » son enfant. Que se passe-t-il si aucun des parents ne joue d’instrument ? Ou si, pire encore, ils ne savent pas lire la musique et ne connaissent pas grand chose au classique ? Difficile d’aider son rejeton si le parent n’est pas lui-même déjà intégré dans le milieu somme toute très fermé de la musique classique.

Pourtant, le rôle des musiciens de talent est peut-être justement d’essayer de faire connaître leur univers à ceux qui a priori n’y ont pas accès, sans pour autant perdre en talent et en virtuosité. Le passé l’a suffisamment prouvé, il n’est pas forcément nécessaire d’être né dans une famille de musiciens pour le devenir –les parents d’Haydn étaient charron et cuisinière. Et, même sans devenir un virtuose, l’apprentissage d’un instrument permet à beaucoup d’enfants un épanouissement qui leur sera précieux pour le reste de leur vie.

Alors oui à la qualité, oui à la rigueur. Mais oui aussi à l’ouverture à tous de la musique classique, bien trop souvent enfermée en haut de sa tour d’ivoire.


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