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La folie des classements

Les classements universitaires, très inégaux, sont déterminants pour les étudiants.

 

« McGill, Numéro 1 au Canada depuis 9 ans ». Cette courte phrase saute aux yeux de tout visiteur du site internet de l’université comme un message de fierté et de résurrection après la dégringolade du début d’année.

En effet, depuis septembre les résultats des divers classements universitaires mondiaux sont des plus vexants pour notre communauté : 21e selon QS (soit le pire score de McGill depuis 2007, où elle était au 12e rang), 35e pour le Times, 58e selon le classement de Shanghai, et toujours derrière l’université de Toronto. Heureusement que le classement Maclean, qui prend en compte 49 universités canadiennes, nomme encore McGill comme la plus prestigieuse du pays ! Heureusement ? Pourquoi accordons nous tant d’importance à ces classements dont on comprend peu la méthodologie ? Quelle est cette folie actuelle des classements universitaires ?

Une vitrine mondiale

Oui, on peut bel et bien parler de folie quand on voit le nombre de classements plus ou moins spécialisés qui florissent dans les journaux ou sur la toile. On peut aussi parler de folie quand les réseaux sociaux s’affolent ou se jouent de la gifle que Toronto inflige à McGill. On peut parler de folie quand 70% des étudiants de première année interrogés à McGill par Le Délit avouent que la fameuse (et tant regrettée) 18e place de McGill était l’une des trois raisons les plus importante dans leur choix d’orientation.

Une obsession pour cette preuve de pedigree annuelle que la principale Suzanne Fortier justifie en expliquant que « nous devons rester vigilants, sachant que la course pour les talents se fait au niveau mondial ». Il faudrait donc, selon cette observation, faire remonter McGill dans ces classements car ils forment l’une des premières zones de contact avec les étudiants étrangers. Soigner l’image d’une université devient alors logique quand on sait que ces cerveaux de la mondialisation sont un véritable retour sur investissement : ils payent les plus lourds frais de scolarité, étendent le cercle des anciens élèves, apportent une ouverture d’esprit, créent une image cosmopolite, séduisent les employeurs, et attirent toujours un peu plus de nouveaux étudiants étrangers. Un phénomène qu’on pourrait rebaptiser le cercle vertueux des classements internationaux.

Des outils inégaux

Cependant même s’ils sont un outil des plus utiles, les divers classements universitaires peuvent être remis en cause.

Tous n’ont pas les mêmes critères et leur méthodologie peut donc être questionnée. Quand QS concentre 50% de son jugement sur la « réputation » d’une institution (soit 40% à propos de la « réputation académique » et 10% sur la « réputation auprès des employeurs »), Maclean n’utilise ce critère que pour 20% de sa note finale. Une telle différence explique ces écarts entre les classements et pose un doute sur leur véracité et leur applicabilité.

D’autant plus qu’on peut aussi s’interroger sur les sources utilisées. Par exemple, si nous restons concentrés sur le critère de la réputation, celui-ci est estimé par sondages. Une certaine dose de subjectivité et d’erreur entre alors en jeu.

Le principe de créer des classements mondiaux est aussi très critiquable. C’est ainsi que T. Lui, dans la Gazette de Montréal, affirme que ceux-ci sont plus utiles quand ils sont effectués à une échelle locale. En effet comment un classement américain ou anglais pourrait-il comparer et juger dans une même catégorie des universités américaines et françaises ? Ce sont différents types d’enseignements, avec des méthodes et des modes de fonctionnements que l’on pourrait presque qualifier d’opposés. Les inscrire dans un même classement reviendrait à faire un podium olympique mêlant boxeurs de plus de 100kg et judokas poids plume.

Les classements universitaires sont donc finalement un outil contestable de notre société toujours plus « accro » au prestige et à la compétition. On peut évidemment comprendre la nécessité de comparer les universités et de s’assurer le meilleur choix, car chacun d’entre nous sait que la compétition sera plus que rude sur le marché du travail. Autant donc avoir de bonnes cartes dans son jeu, de bonnes universités sur son CV. Mais n’oublions pas que ces classements en cachent d’autres. Ainsi les 17 meilleures universités américaines (selon US News) sont aussi les 17 universités américaines les plus stressantes et les plus propices au suicide (selon le site web d’information Dailybeast). Une folie des classements qui s’avère être une réelle maladie mortelle.


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