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Se perdre dans les espaces musicaux

L’OSM à la Maison symphonique de Montréal.

Hossein Taheri

La Maison symphonique de Montréal accueillait mercredi dernier l’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM) et deux personnalités de marque, le chef d’orchestre Jacques Lacombe et le soliste Andrew Wan. Lacombe est directeur musical du New Jersey Symphony Orchestra. Il a eu l’occasion de travailler avec l’OSM de 2002 à 2006. Le violoniste Andrew Wan s’est démarqué au cours des dernières années par ses interprétations de pièces classiques, romantiques et impressionnistes. Il enseigne à l’école de musique Schulich de McGill et occupe, depuis 2008, le poste de violon solo de l’OSM.

Ces musiciens et, de manière plus générale, l’OSM, offrent un programme brillamment conçu : Le Corsaire de Berlioz, Les Mouvements de l’âme d’Arcuri, Tzigane de Ravel et la neuvième symphonie de Dvorák. Les adeptes d’aventures et d’émotions fortes trouvent leur compte dans ce que la rédactrice et journaliste Lucie Renaud a appelé à juste titre une « série de voyages, mouvements intérieurs aussi bien que physiques ».

Hector Berlioz a écrit son ouverture Le Corsaire au bord de la mer, à Nice. Sans doute la Méditerranée l’a‑t-il inspiré, mais son admiration pour l’écrivain Byron laisse à penser qu’il y aurait dans cette ouverture des réminiscences du poème The Corsair, histoire mouvementée d’un pirate aventurier. La pièce de Berlioz, qui alterne mouvements frénétiques et méditatifs, évoque la mer, tantôt calme, tantôt déchaînée. Jacques Lacombe en a fait une interprétation intelligente, aux contrastes appuyés.

L’OSM convie ensuite l’auditeur au monde de l’infiniment subtil avec Les Mouvements de l’âme de Serge Arcuri, compositeur contemporain québécois. Le titre revêt un sens particulier : en lutherie, l’âme est une petite pièce en bois dans le violon, qui favorise la résonnance du son. Le jeu très personnel, nuancé, d’Andrew Wan plonge l’auditeur dans un univers jusqu’alors inexploré, excitant, où le violon exprime quelque chose d’indicible, d’effrayant, et de beau pourtant, sur fond d’harmonies épaisses et dissonantes. La pièce s’évanouit sur une note claire mais faible, à la manière d’une flamme qui disparaît. Tzigane livre des couleurs et des textures orchestrales qui propulsent l’auditeur dans l’espace du rêve. Dans un style postromantique très maîtrisé, Maurice Ravel construit un univers exotique et envoûtant rappelant la bohème. Les différentes atmosphères de la pièce sont autant de routes que le compositeur nous invite à suivre, au cours desquelles le violon chante une gaieté triste. C’est un joli dialogue : l’OSM et Andrew Wan parviennent à rendre l’énergie brute de cette œuvre.

En 1892, Antonín Dvorák quitte l’Europe et s’installe aux États-Unis, où on lui propose le poste de directeur du Conservatoire national de musique de New York. Il écrira à ce moment la symphonie no9, dite « du Nouveau Monde ». On y perçoit des influences du folklore américain, notamment dans son célèbre largo. Ce second mouvement s’ouvre sur de grands accords joués par les cuivres, puis cède la place à une mélodie douce que reprendront divers instruments, mais dont la charge revient surtout au cor anglais, qui dégage quelque chose d’à la fois rustique et noble. Lacombe sait rendre la puissance de cette symphonie, comme  il l’a fait, au demeurant, pour toutes les œuvres de cette soirée. Véritable invitation au voyage, ce concert s’est avéré l’occasion d’une belle divagation des esprits à travers multiples espaces.


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