Aller au contenu

Quelle place pour la contestation à McGill ?

Le 6 novembre dernier, le groupe Divest McGill organisait une action directe sur le campus pour faire entendre sa cause. Une vingtaine de participants ont manifesté à vélo, malgré l’interdiction de circuler en bicyclette sur le campus. La semaine précédente, le groupe avait tenté de faire passer son message en projetant des images sur le bâtiment de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). La sécurité avait alors demandé au collectif de manifester plus loin sur la rue McTavish.

Divest McGill est un groupe formé il y a un an par des étudiants mcgillois. L’association tente de faire pression sur l’Université pour que celle-ci cesse d’investir dans les énergies fossiles et vise plutôt à promouvoir des politiques de développement durable.

Pour faire entendre sa voix, Divest McGill est d’abord passée par les canaux “officiels”. L’association a soumis une pétition dans les règles – soutenue par une importante partie de la communauté mcgilloise (plus de 1200 signatures). Divest McGill est passée par le Conseil des Gouverneurs (la plus haute instance de gouvernance à McGill). À la session d’hiver 2012, le groupe avait en effet présenté son projet devant le Comité chargé de formuler des recommandations en matière de responsabilité sociale (Committee to Advise on Matters of Social Responsability en anglais, CAMSR).

Divest McGill a donc joué le jeu de l’Université. Le groupe a respecté les règles de libre expression posées par McGill et a suivi le chemin de la bureaucratie mcgilloise, sans succès toutefois.

L’Université a systématiquement refusé d’entendre ces étudiants. Au final le CAMSR n’a formulé aucune recommandation au Conseil des Gouverneurs. Divest McGill s’est donc tournée vers l’action directe, et, dans le but de se faire remarquer, elle a organisé plusieurs manifestations et regroupements sur et autour du campus.

Alors, y a‑t-il réellement aujourd’hui une place à McGill pour la « libre expression et l’assemblée pacifique » (pour reprendre le langage des rencontres, protocoles et déclarations de l’administration ces deux dernières années)?

Divest McGill a  joué le jeu de l’Université. Le groupe a respecté les règles de libre expression posées par McGill ; sans succès toutefois.

Le 20 mars 2013, le Sénat de McGill adoptait l’Énoncé des valeurs et des principes sur la liberté d’expression et la tenue d’assemblées pacifiques (qui définit et restreint l’espace de libre expression sur le campus) ainsi qu’une série de procédures opérationnelles pour justifier les réactions de l’administration aux manifestations. La décision est loin d’avoir fait l’unanimité. Et dès la première soumission des documents en janvier, la communauté mcgilloise avait vivement réagi et organisé plusieurs manifestations.

Les documents adoptés sont des documents réactionnaires – élaborés suite à un long processus de consultations, et en remplacement d’un premier protocole – en réponse aux  occupations étudiantes du bâtiment d’administration James de 2011–2012. Bien que le processus parte, a priori, d’une bonne intention (l’idée était de consulter la communauté mcgilloise et trouver des solutions pour que chacun puisse s’exprimer librement sur le campus), le résultat final n’est pas acceptable, et en fait très décevant. En tentant de définir un certain espace spécifique, selon de nombreux critères restrictifs, pour manifester, l’Université a tenté de restreindre les libertés d’expression.

Il semble bien que l’administration mcgilloise ne souhaite toujours pas écouter la voix des étudiants et des autres membres de la communauté mcgilloise en désaccord avec les politiques de l’Université. Depuis plusieurs années, les événements s’enchaînent : longue grève de MUNACA et une administration peu à l’écoute en 2011, occupations étudiantes et manifestations. Plus récemment, l’affaire des demandes d’Accès à l’Information (AI) apporte de l’eau au moulin. Suite au dépôt par des étudiants d’une série de demandes d’AI, à la session d’hiver 2012, McGill avait demandé à ce que de futures demandes soient systématiquement refusées, de façon préemptive. La Commission d’accès à l’information du Québec a rejeté la requête de McGill le 7 octobre dernier, mais l’Université n’en démord pas et a porté la cause en appel.

À la suite de toutes ces affaires, McGill a récemment reçu le titre montréalais de « pire institution universitaire en matière de liberté d’expression ». Elle se retrouve d’ailleurs même en bas du classement des universités canadiennes. Selon l’index de liberté des campus, McGill a en effet obtenu la lettre “D” pour ses politiques et pratiques institutionnelles.

McGill : peut mieux faire. La communauté mcgilloise devra continuer de (se) manifester et de se faire entendre. C’est bien beau d’avoir des règles, un certain cadre pour manifester. Mais si, même sous ces règles, aucune action n’est entendue, quelles sont les options ? Quand la voie bureaucratique ne fonctionne plus, l’action directe – tant qu’autrui ne se sent pas menacé – est une solution logique. Le campus de McGill doit être un espace où tout le monde se sent à sa place. L’université est justement cet espace où des personnes de milieux et d’origines différents se rencontrent et échangent des points de vue, débattent, discutent. Il est dommage que McGill ne souhaite pas toujours entendre la diversité de ces points de vue.

À la suite de toutes ces affaires, l’Université a récemment reçu le titre montréalais de « pire institution universitaire en matière de liberté d’expression ». McGill : peut mieux faire.

En attendant, pour se réapproprier sa place d’étudiant au sein du monde universitaire, il faut s’affirmer, et ne pas se laisser dicter une conduite.

 

Le Conseil de Rédaction


Articles en lien