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L’automne du livre

Les métamorphoses du papier à la dernière foire d’Expozine.

Expozine : événement honnête, sincère, qui a de quoi se réconcilier avec la poésie du papier, de la page, de la typographie, du dessin, du mot et de l’amour du lecteur ; de celui de l’illustrateur et de l’éditeur. C’est aussi un événement qui tisse les liens du partage, soit l’essence du rapport de l’homme à son écriture.

De quoi se réconcilier, certes, car entre les employés de Renaud-Bray en grève, la bataille pour le prix unique, Michel Tremblay et le Salon, il semble que c’est l’automne du livre au Québec. Il y a ces circonstances temporelles qui font que le livre, aujourd’hui, est et doit être un sujet de débat. C’est-à-dire que, oui bien sûr, on questionne depuis quelques années sa matérialité, son potentiel voire son existence avec l’accumulation de diverses technologies. Il demeure cependant que sa résonance est encore davantage essentielle dans notre univers d’écrans.

Et s’il y a un événement à Montréal qui le célèbre le mieux et qui croit en sa diversité, c’est sans doute Expozine. Avec plus de 270 exposants et un désir vital de création, Expozine attire par son caractère communautaire, ses livres, magazines, fanzines, bandes dessinées à prix modiques.

Foire indépendante de la poésie, de la revue, de l’illustration, foire folie d’éditeurs, de bédéistes ; salon bière et samosa pour repenser à tel recueil des éditions du passage, à  un nouveau magazine queer The Holy Male, à repenser à telle rencontre. Se dire que le papier n’est pas mort, qu’il est plus vivant que jamais parce qu’il se bat, à fière allure, pour sa survie, avec la certitude qu’il a tout à gagner.

Événement qui célèbre la diversité, de quelque nature qu’elle soit : sexuelle, générationnelle, linguistique. Dans le sous-sol de l’Église Saint-Enfant-Jésus du Mile-End, pendant deux jours – c’était le weekend dernier – se sont entassés tous les amoureux du papier, sous quelque forme qu’il soit. En jeux de cartes d’auteurs, en affiches, en fanzines, en recueils et parfois même en brique, littéralement.

Ce grand petit marché ‑fête annuelle du papier- est un tremplin, l’occasion pour bien des créateurs d’exposer leur travail, d’échanger avec les lecteurs. Rien de plus ni de moins, quelque chose qui est encré profondément dans l’instinct préhistorique de l’homme : celui de partager son art. Et ce n’est pas peu dire car l’exercice de la création est intimement lié à l’expérience de la réception. À Expozine, on échange avec l’illustrateur, il nous raconte telle histoire de son voyage au Maroc, le poète nous offre un deuxième recueil par don, pour aimer le lire. Des visages connus et inconnus, mais dont l’idée du livre est toujours commune, celle que le papier, son travail et ses possibilités sont infinis, particulièrement à Montréal, ville de design, fort culturel avant toute chose.

Les métamorphoses du médium sont innombrables, et c’est ainsi qu’elles viennent se coller aux subjectivités créatrices : anarchistes, esthètes, libraires, professionnels, utopistes, provocateurs exhibitionnistes. Tous s’y retrouvent, depuis des années pour certains, pour la première fois pour d’autres. Expozine est une expérience de laquelle la curiosité et la fascination ne peuvent être détachées. Elle est populaire et étourdissante, on y accorde quelques heures, et on fait le tour plusieurs fois en sautant tel kiosque pour y revenir plus tard. On lit et on questionne. De quoi renouveler notre amour du papier, le ramener droit dans notre quotidien et lire dans les pensées de nos contemporains.


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