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Race à McGill

Y’a‑t-il une place pour la discussion ?

Dans le cadre de la série annuelle d’événements « Culture Shock », fruit de la collaboration entre le Groupe de Recherche d’Intérêt Public du Québec (GRIPQ) de McGill et l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), un atelier intitulé « Race à McGill » s’est tenu le mercredi 16 octobre à McGill sur la campus. L’événement, animé par Shaina Agbayani et Annie Chen, étudiantes à McGill, consistait en deux heures de discussions, entre un petit groupe d’étudiants actuels et anciens de l’Université. L’objectif était de rendre le sujet de la race, et ses débats sous-jacents, accessibles aux élèves. La majorité de la discussion était consacrée à différentes définitions conceptuelles : racisme, privilèges blancs, tokenisme et micro-agressions. Le débat s’est révélé parfois tendu, rappelant ainsi la difficulté qu’il peut y avoir à aborder un sujet aussi sensible, même dans un milieu universitaire prétendument ouvert.

Dans le cadre de cette discussion sur la diversité culturelle, les problématiques liées à l’appropriation culturelle ont été abordées. L’appropriation culturelle consiste à reprendre les codes d’une culture en changeant leurs significations initiales. Avec l’arrivée imminente de l’Halloween, la thématique des déguisements irrespectueux envers certaines communautés et ethnies a été abordée. « L’histoire du maquillage noir [« Blackface »] est l’histoire de la perpétuation de clichés » rappelle Shaina Agbayani. Pourtant, chaque année durant la fête organisée dans le bâtiment de l’AÉUM, sous prétexte d’humour, des déguisements caricaturaux sont observés. L’année dernière en particulier, certains déguisements avaient fait controverse. Pour une des participantes, le problème de tels accoutrements est qu’ils « essentialisent la culture ». Une autre ajoute que « les gens devraient y penser à deux fois, quand on vole une culture, on ne peut pas la rendre intacte ».

Le problème de diversité rencontré à McGill a ainsi été défini au cours de cet échange comme étant systémique. Shaina Agbayani insiste : « nous voulons parler de diversité comme un moyen de rendre McGill plus cosmopolite, et non pas comme un projet de justice sociale. » Elle souligne à cet égard le fait que McGill recrute en masse dans des écoles fréquentées par une population majoritairement ou complètement blanche. Une étudiante de première année raconte à cette occasion comment une récente visite sur le campus de Concordia lui a donné l’impression d’être dans un autre monde, plus cosmopolite, plus ouvert.

L’atelier a été marqué par l’intervention de France, une étudiante à McGill en 2003. France raconte son parcours qu’elle définit comme celui d’une « personne racialisée ». « McGill m’a fait me sentir mal à l’aise dès le départ » dit-elle. Parmi les difficultés évoquées, elle souligne l’impossibilité qu’il peut y avoir à trouver des conseillers appartenant à une minorité visible. Comment justifier ce manque de diversité parmi des personnes qui sont en contact direct avec la population estudiantine ? Après une année passée dans les murs mcgillois, la conclusion de France était sans appel. « McGill était pour moi un système de privilèges dans lequel des étudiants de couleurs n’avaient pas leur place ». Elle a d’ailleurs choisi de quitter l’institution après une année pour finir ses études à Concordia.

Il peut sembler difficile d’imaginer que dans un milieu universitaire, des débats au sujet de la race soient encore considérés comme tabous et que leur simple existence soit sujette à controverse. Le fait qu’un individu puisse se sentir affecté par la mise en lumière de ses propres privilèges est probablement symptomatique d’une société dans laquelle l’autoréflexion peine à trouver sa place. La minimisation des problèmes rencontrés par certaines communautés est une réalité constante, intervenant même dans des contextes comme celui-ci, prétendus sûrs. D’où l’importance de continuer à créer des espaces d’échange à ce sujet, comme c’était le cas ce jour-là.

 


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