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Deux par deux rassemblés

Avec 3 au carré = les duos, Tangente propose trois explorations cadencées de l’éternel pas de deux.

Camille Chabrol

L’infini, la trajectoire et l’électrochoc : trois thèmes qu’ont voulu explorer les chorégraphes-interprètes du spectacle 32 = les duos présenté par le laboratoire de danse contemporaine Tangente. « Il s’agit d’aller au-delà du couple, vers deux entités, deux présences ; c’est le défi de dépasser [la figure] du pas de deux », explique Dena Davida, cofondatrice du lieu de diffusion et de développement de la danse contemporaine, aujourd’hui commissaire et directrice artistique.

L’infini

Le public s’installe dans l’espace intime du studio Hydro-Québec du Monument-national où Tangente, nomade depuis la fin de son bail à l’Agora de la danse et jusqu’à la construction prochaine d’Espace Danse Québec, a trouvé refuge pour la saison. Les chorégraphes-interprètes Élise Bergeron et Philippe Poirier se font déjà face, debout, « prisonniers d’une proximité intenable », lit-on dans le programme. En effet, pendant la première partie de leur chorégraphie, ils empliront de sinuosités sensuelles un espace à peine large comme leurs épaules. Ce jeu de deux corps qui se suivent sans se toucher prend fin timidement. Petit à petit, les danseurs se contorsionnent en quelques prises de bec, mais comme des oisillons ou des chiots : on ondoie hors de la boîte sans l’éclater. Il y a peut-être du désir dans Strictement {a}statique, mais il est doux, comme les chants grégoriens choisis par Gabriel Ledoux, qui sont venus se greffer à la création. Bergeron explique avoir voulu « un unisson de lenteur considéré comme un rapport de sensibilité, un macro-mouvement dont on doit être à l’écoute pour le syntoniser ».

La trajectoire

Le contraste rythmique sera marqué avec la pièce suivante qui s’amorce en perpendiculaire. L’un marche, droit, c’est Rémi Laurin-Ouellette. L’autre ramp, sur le dos, c’est Évelyne Laforest. Elle rampe, mais surtout, elle tourne. Sans direction et sans arrêt. Comme les retailles d’un crayon de bois, comme un spirographe. Le temps est suspendu dans ses volutes. La pièce entière doit durer quinze minutes, on a l’impression qu’une heure déjà s’est écoulée. Mais, si Laforest se lève, c’est pour jouer la chiffe molle, incessamment rattrapée, repoussée et retendue par Laurin-Ouellette. On est étourdi, courbatu pour elle, pour eux. Les danseurs expliquent avoir cherché quelque chose de vif, de primitif, où la lenteur n’est qu’un contrepoids, un contraste. L’espace entier leur appartient. C’est leur Diffraction.

L’électrochoc

Le dernier volet de la soirée est saccadé,epresque sec. Nobody likes a pixelated squid fait penser à « Thriller » de Michael Jackson, mais aussi au stop-animation, un thème récurrent de l’œuvre du couple formé par Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund. À l’évidence, l’univers, l’inspiration et l’énergie sont ceux du hip-hop.

Le corps à corps des deux chorégraphes-interprètes se présente presque comme du combat de rue, un art martial. « On a voulu appliquer un autre corps à un solo », explique Höglund. Lê Phan de préciser « On se voit rarement, on sent, on sait ». La démarche est simple, physique. C’est la violence « classique » de la danse contemporaine. Pas de théâtralité, une animalité plutôt.

Les diagonales se déglinguent sur une trame sonore urbaine.

Pour Dena Davida, ce qui unit les trois chorégraphies, c’est leur rapport auregard, « ce qui est dans le regard, le regard de l’autre, le regard à l’autre, au quelque part, au lieu-être ». Après tout, la danse, c’est souvent « comme si le corps était un œil », sourit-elle lors d’une discussion dirigée comme il y en a souvent après la représentation du vendredi.

Le prochain spectacle, une série d’improvisations dans l’esprit de l’œuvre de Georges Méliès, aura lieu à la Sala Rossa le 24 octobre 2013 à 20h. Retour au studio Hydro-Québec du Monument-national les 31 octobre, 1er, 2 et 3 novembre pour un programme double La Chute/In Mixed Company d’Emily Gualteri et de David Albert-Toth.

 

 


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