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Prokofiev familial

La série de concerts « Sons & Brioches » revisite Pierre et le loup.

« Écoutez bien. Voici l’histoire de Pierre et le loup, une histoire pas comme les autres. Une histoire qui vous sera contée en musique et par les instruments de l’orchestre. »

L’incipit du conte de Prokofiev résonne encore dans nos oreilles d’enfants, lu par Gérard Philippe, dans la première version de Pierre et le loup en lecture enregistrée. Première d’une longue série où du beau monde se côtoie : de Fernandel à Jacques Brel, en passant par David Bowie, Charles Aznavour ou encore le grand Michel Galabru. Sans oublier le formidable duo des Deschiens, François Morel et Olivier Saladin, qui revisite avec humour ce conte populaire ; dommage que cette dernière version ne soit pas disponible sur Internet.

La production des Jeunesses Musicales du Canada (JMC) dans le cadre de la série Sons et brioche s’inscrit elle aussi dans l’humour. Cette série composée de huit concerts durant l’année, un dimanche par mois, vise avant tout à faire découvrir la musique classique à un jeune public, ce qui était aussi le but premier du conte de Prokofiev. En associant chaque personnage à un instrument de l’orchestre et à un thème, le compositeur russe voulait éveiller les sens des plus petits.

Exit donc les robes de soirée et les costumes de rigueur à la salle Wilfried-Pelletier de la Place des Arts, où se produit notamment l’Opéra de Montréal et place aux baskets lumineuses taille 34 et demi. Au lieu de l’habituel sérieux bourgeois de ces lieux, on trouve une ambiance familiale et bon enfant, où petits et grands finissent leur brunch du dimanche matin avec les brioches et les jus d’orange servis par les organisateurs.

Pour des raisons de logistique évidentes, l’instrumentation originale du conte musical, impliquant plus d’une vingtaine de musiciens, n’est pas respectée. Au lieu de cela, il y a autant de musiciens que de personnages, chacun coiffé d’un chapeau ad hoc. L’intelligence de la production des JMC réside dans l’adaptation de la pièce au public. Au lieu de réciter d’un bout à l’autre le conte et les pièces musicales, comme dans la première version nécessaire de Gérard Philippe, les interprètes jouent avec le texte, l’actualisent parfois et se permettent des intermèdes clownesques qui font bien rire les petits. S’il ne peut éviter la hantise et la peur provoquées chez certains à l’écoute des cors, thème du loup, le conteur épargne son public sensible en escamotant la mort du canard par un tour de passe-passe vétérinaire, s’évitant ainsi les pleurs horrifiés des enfants.

On accueille avec bonne humeur la production de ces cinq musiciens des JMC, qui livrent la partition naïve de Prokofiev dans toute sa beauté. Entre les braillements et les rires, c’est une belle façon de passer son dimanche avant-midi. Les enfants repartent tout heureux, le ventre plein, n’attendant qu’une chose, le retour à la maison pour regarder la version de Walt Disney de 1946. Quitte à faire des cauchemars devant la gueule grande ouverte du loup, spectacle terrifiant dont Le Délit n’est pas prêt de se remettre.


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