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Tempête à la salle Redpath

Opéra McGill entame une nouvelle saison à coups de Shakespeare mis en chanson.

Seulement trois semaines après la rentrée, Opéra McGill entame la saison 2013–2014 avec un spectacle à mi-chemin entre le théâtre et l’opéra. Samedi 21 septembre, à la Salle Redpath avait lieu la première représentation de l’année, intitulée « Sonnets et chansons : Sérénade Shakespeare ». Patrick Hansen, directeur d’études d’opéra et metteur en scène du spectacle, décrit la performance comme « Un avant-goût  de l’année qui se prépare ». On en a l’eau à la bouche.

Seize chanteurs d’opéra se sont succédés sur des airs tirés de pièces de William Shakespeare telles que La Tempête, La Nuit des Rois, Othello et Beaucoup de bruit pour rien. Alternant des chants lyriques caractéristiques du registre de l’opéra avec des sonnets que les artistes récitent avec passion, le spectacle jouit d’un dynamisme qui manque parfois à certaines œuvres classiques.

Le décor est sobre : seuls quelques objets – chaises, coussins, un bouquet de fleurs – entourent les artistes. D’ailleurs, l’élément principal du décor reste le piano, seul instrument du spectacle, qui accompagne pendant un peu plus d’une heure les chanteurs. Ce à quoi on assiste n’est pas tout à fait un opéra, dans le sens commun du terme, avec tout son caractère théâtral et son travail de scénographie. Cependant, à l’arrivée de la haute-contre, Collin Shay, qui ouvre le spectacle avec « Come unto these yellow sands », tiré de La Tempête, le spectateur comprend que si tout autour des chanteurs est aussi sobre, c’est sûrement pour les sublimer, pour les mettre en avant. Et on a du mal à leur en vouloir, tant on est captivé par les voix justes et puissantes des seize interprètes.

Pour l’occasion, ces chanteurs deviennent aussi acteurs. Interprétant des personnages qui ont été créés par la troupe elle-même, ils créent un lien entre les sonnets et les chansons. Par exemple, comme l’explique le metteur en scène, « notre haute-contre jouait un genre de Gatsby, qui organise des fêtes, il était l’hôte de la soirée. Russel Morris Wustenberg, le bariton, était comme une bénédiction de la fête. Nous avons beaucoup joué avec tout ça ».

Au long de cet opéra qui n’en est pas vraiment un, on retrouve dans les sonnets et les chansons des thèmes chers à l’écriture de Shakespeare, tels que l’amour, la mort ou l’éternité. Oscillant entre le comique, avec des chansons comme « Sigh no more », et la tragédie, avec « Come away death », le spectateur se retrouve parfois un peu confus. Pour Mayra Smith Romero, une spectatrice étudiante de la Faculté des arts, « les transitions n’étaient pas forcément très claires, il était un peu difficile de suivre le déroulement de l’histoire. Mais les performances exceptionnelles des solistes compensaient largement ce manque ».

Les spectateurs et les chanteurs s’accordent sur une chose, en tout cas : l’originalité du spectacle. C’était la première fois que Katrina Westin, la mezzo-soprano de la troupe, participait à un projet de ce genre. Et elle admet que ce format-là a permis de donner plus de vie aux chansons que les récitals habituels ne le permettent : « normalement, on chante, seul devant le piano, et c’est tout. Mais cette fois-ci, les sonnets et la mise en scène ont vraiment mis en lumière le sens de ce qu’on chante ».

Les chansons étaient celles qu’on peut retrouver dans les récitals habituels. Mais Patrick Hansen les a choisies de façon à ce qu’elles construisent une histoire, entre elles, peu importe qu’elles viennent de pièces différentes. Les mélodies montent en puissance au fil du spectacle pour culminer, à la toute fin, à la « Sérénade à la Musique » de Vaughan Williams, dont le texte est tiré du Marchand de Venise.

En réalité, c’est cette composition, écrite pour seize chanteurs, qui a orienté le choix des précédentes et la taille de la troupe, avoue le metteur en scène. On ne peut que saluer son choix. Ce final, tant en émotion dans les solos qu’en puissance en chœur, laisse le spectateur bouche bée, et un peu sur sa faim. Opéra McGill a bien réussi son coup : les spectateurs sont ravis. Néanmoins, il faudra attendre les 21, 22, 23 et 24 novembre pour aller assister à leurs prochaines représentations, en collaboration avec l’orchestre baroque de McGill.


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