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Apprendre à filmer

Au cœur des études de cinéma à Montréal

Romain Hainaut

Le succès du festival Fokus organisé par TV McGill (TVM) la semaine dernière et dont nous vous parlions dans le numéro précédent (voir « Blacklist et courts-métrages », Le Délit volume 102 numéro 19) donne l’occasion de se pencher sur la place que prennent les études de cinéma à Montréal. Si McGill propose un enseignement théorique avec le département de Cinéma du Monde, la création d’un département de production et de réalisation semble compromise suite à l’annonce des coupes budgétaires. En nous faisant part de sa déception, Molly Bower, Vice-présidente aux affaires externes de TVM et Présidente du festival Fokus, se dit malgré tout « confiante et certaine que McGill et Montréal peuvent être très dynamiques dans le domaine du cinéma ». Les programmes des universités se montrent de fait inégaux, et proposent différentes visions du cinéma, à l’image du dynamisme de la métropole montréalaise.

 

De l’UdeM à Concordia 

À McGill, le petit département de Cinéma du monde n’offre qu’une mineure et regroupe des cours des différents départements d’études européennes. Dans les deux grosses universités francophones que sont l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et l’Université de Montréal (UdeM), les cours ont également une approche plutôt théorique. À l’UdeM, le département est lié à celui d’Histoire de l’art ; cela illustre la visée des enseignements, qui se concentrent avant tout sur une approche théorique. Il est possible de suivre certains cours pratiques, mais l’accent est mis sur des perspectives historico-esthétiques. Même son de cloche à l’UQAM, où le département est couplé avec celui de Communication : les buts du cinéma semblent pourtant définis différemment. À l’UQAM, on réfléchit sur le message cinématographique et la fonction communicative des études du film.

C’est Concordia qui se démarque le plus, en proposant un réel programme d’Études de Cinéma, avec son propre département et ses propres cours. Qui plus est, outre l’approche théorique, il existe dans cette université anglophone de véritables cours de production : les étudiants sont fréquemment amenés à tourner des courts-métrages, à travailler sur le son, sur l’image, à se faire plus réalisateurs que théoriciens. Ces différences entre les quatre plus grandes universités montréalaises illustrent les différentes facettes du cinéma actuel ; mais, si les études de cinéma ont tendance à basculer du côté de la théorie, c’est peut-être car le diplôme n’est pas forcément la porte d’entrée vers une carrière dans le cinéma.

De la nécessité du diplôme ?

Le monde du cinéma montre qu’un diplôme est bien loin de garantir une carrière. Bon nombre de réalisateurs talentueux et de figures montantes du cinéma contemporain ne sortent en effet pas des bancs de l’université. Le parcours de l’acteur et réalisateur québécois Xavier Dolan en est un bon exemple : s’il est vrai que le fils de Manuel Tadros est issu d’une famille qui semble prédisposée au monde cinématographique, Dolan n’en reste pas moins un autodidacte, qui réalise son premier film J’ai tué ma mère d’après la nouvelle Le Matricide, qu’il avait écrit trois ans auparavant. D’un autre côté, Kim Nguyen, devenu récemment une des têtes de proue du cinéma québécois après que son film Rebelle a été finaliste pour l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère, sort du programme de production de Concordia. Alors, que faut-il penser des études de cinéma à Montréal ? S’il est vrai qu’elles donnent des bonnes bases et apprennent les techniques de réalisation, elles ne sont peut-être pas suffisantes dans un milieu difficile où l’originalité, la créativité et la persévérance ne permettent pas toujours de se faire une place.

Montréal et le cinéma international

Dans tous les cas, la diversité des études de cinéma à Montréal montre le dynamisme de la production cinématographique québécoise. Les études dépassent le cadre des universités, et le nombre d’écoles indépendantes et spécialisées a augmenté ces dernières années. L’Institut Trébas forme par exemple aussi bien au cinéma qu’à la télévision. De nombreux festivals sont organisés chaque année dans la métropole, comme le Festival du Nouveau Cinéma en octobre ou le Festival des Films du Monde, de fin août à début septembre. Si les évolutions du département de McGill ne semblent pas être réalisables dans un futur proche, la motivation de quelques groupes indépendants et l’organisation de festivals comme Fokus contribueront probablement à garder cette énergie qui fait de Montréal et du Québec des lieux montants du cinéma contemporain.


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