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Graffeur du dimanche

Petites histoires de grands vandales

Romain Hainaut

Le jour du Seigneur est un jour bien particulier que le commun des mortels emploie généralement pour se reposer, lire, faire du sport ou encore se promener. Malgré cela, certains, poussés par un désir inavoué de destruction et de vandalisme, profitent de leur dimanche pour poser un graffiti dans un entrepôt abandonné, couvrir les murs des toilettes dans une boîte de nuit à coup de marqueurs, caler une fresque sur un wagon en stationnement ou même tagguer le mur du voisin d’à côté car il commence à être agaçant à force de tapages nocturnes répétés. Ce petit parasite au bon fonctionnement de la vie en société n’est autre que le « graffeur du Dimanche ».

Cela dit, le graffeur du Dimanche est avant tout un type lambda, généralement dans sa trentaine, qui porte des jeans, qui boit du café et qui part au boulot les autres jours de la semaine. En général, plus ce dernier est âgé, plus il essaie de dissimuler son entreprise secrète pour éviter les complications au bureau ou les réprimandes de sa compagne. Rien à voir avec les gourous du graffiti ou même les artistes professionnels qui vivent de ça et pour ça et qui n’ont rien à cacher à personne. Non, le graffeur du Dimanche est comparable à un toxicomane qui aurait besoin de sa dose, quelqu’un qui refoule le besoin de s’exprimer librement ou encore quelqu’un qui regrette le temps où il passait des nuits entières avec ses potes à poser son blaze à droite à gauche lorsqu’il était encore adolescent.

Il y a peu de temps, j’ai rencontré un graffeur du Dimanche à la sortie d’un bar qui me racontait qu’il faisait croire à sa femme qu’il faisait des heures sup pour pouvoir aller tagguer quelques murs avec un ami le soir. Bien évidemment, le type profitait des quelques bières qui lui avait échauffé les neurones et du fait qu’il ne me reverrait probablement jamais pour m’avouer son petit secret et se défaire de sa culpabilité le temps d’une soirée. Bien qu’au fond j’aie un peu de peine pour ce jeune cadre légèrement pathétique, je trouve ça plutôt cool et inoffensif.

Au-delà de cette petite anecdote, j’aimerais souligner le fait que critiquer les réalisations de ces individus relève d’un profond cynisme et d’un manque de tact latent. Bien qu’il soit tentant de comparer nos amis les graffeurs du Dimanche aux maîtres en la matière qui s’adonnent à leur passion jour et nuit, cette tâche me semble grotesque et profondément discutable. En effet, personne n’a l’idée de comparer un père de famille qui joue au foot le weekend à quelqu’un comme Ronaldo.

Enfin bref, le graffeur du Dimanche est un phénomène de société plutôt méconnu mais pourtant assez courant. La prochaine fois que vous verrez un graffiti dans votre quartier, je vous laisse donc la liberté d’imaginer si celui-ci à été fait par le banquier qui vient d’ouvrir votre nouveau compte bancaire ou par le médecin d’hier qui vous a prescrit une ordonnance.


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