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Les architectes sont dans la rue

Présentation du projet « Archicontre » au Centre Canadien d’Architecture

Le Printemps érable, par sa durée et son impact social important, est encore omniprésent dans les esprits de nombreux étudiants. L’exposition au Centre Canadien d’Architecture, du mouvement social « Archicontre » par Pierre-Charles Gauthier et Martin Tanguay, étudiants en architecture à l’Université de Montréal, illustre bien ce véritable combat mené par la communauté universitaire l’année passée. C’est donc le 22 février, date symbolique, que les rouages, les enjeux et les conséquences d’«Archicontre » sont présentés à un public presque exclusivement composé d’étudiants.

En bref, « Archicontre » se caractérise par une lutte obstinée et passionnée d’étudiants en architecture à l’Université de Montréal (UdeM) et à l’Université Laval face à la menace d’une augmentation des frais de scolarité. Pour initier le mouvement, un péage clandestin avait été mis en place l’année dernière lors d’une sortie nocturne sur la passerelle qui mène à la Faculté d’architecture de l’UdeM. Au-delà de la métaphore évidente démontrant le coût de l’accès à l’éducation, le but était de lancer un cri d’alarme en espérant « provoquer le débat politique parmi la communauté étudiante ». Le résultat ne s’est pas fait attendre et d’autres initiatives ont rapidement émergé comme la construction d’une charrette où les étudiants mettaient des objets représentatifs de la grève imminente ou encore l’installation d’un distributeur automatique « succès garanti » qui vend des diplômes à 14 000 dollars à l’entrée de la faculté.

Se succèdent divers projets dirigés par ce mouvement avec pour  objectif de faire basculer la décision du gouvernement Charest concernant l’augmentation des frais. La créativité et l’engouement des étudiants en architecture font naître le fameux « projet Tortü » où l’on voit une formation d’étudiants protégés par des boucliers rouges ayant pour inscription « MDCXXV $ [1625$ ndlr], ça ne passera pas ». Ces jeunes s’étaient disposés tels des légionnaires romains, avec toute la portée historique et politique que cela implique. On voit aussi des vélos rouges cadenassés avec des antivols qui portent l’inscription «$1625 », synonymes à la fois d’une atteinte à la mobilité physique mais aussi à la mobilité sociale des étudiants.

Couplé à cette lutte sociale et principalement étudiante, les membres d’«Archicontre » font aussi part de leur préoccupation face aux enjeux environnementaux lors de la « journée pour la Terre » qui se déroule durant ces longues semaines de grève. C’est en construisant une « érablière pour la Terre » que ces jeunes désirent toucher un maximum de personnes et permettre aux passants de s’exprimer sur des Post-it qui sont ensuite collés aux arbres. Certains messages, notamment venant de petits enfants, montrent une forte émotion et une volonté de remédier à ces problèmes très contemporains. En effet, on pouvait y lire « Bonne fête la Terre, je t’aime », « Les arbres poussent de la générosité de notre peuple », ou encore « Pour le je maintenant au nous demain ».

Finalement, c’est grâce à « l’opération cale-portes » que ces étudiants veulent marquer une nouvelle fois le Printemps érable et atteindre la classe politique au plus proche. Les ateliers de la faculté sont donc mis à disposition pour la création de quelques centaines de cale-portes rouges marqués par divers messages relatifs à la grève. Ceux-ci sont placés dans plusieurs établissements du centre-ville, principalement des institutions financières afin de laisser libre accès à un monde très élitiste, fermé et propice à des dérives comme nous avons pu le constater récemment. Aujourd’hui, il est même possible d’admirer un des cale-portes symboliques au Musée des beaux-arts de Montréal qui le garde en souvenir, mais aussi car il le trouve bien pratique !

Quant à l’implication des universités anglophones dans ce projet, la réponse qui m’a été donnée montre une certaine déception, mais peu de rancœur. En effet, les membres d’«Archicontre » avaient cherché à mobiliser des étudiants en architecture à McGill, mais ces derniers se sentaient peu ou pas concernés. Cependant les deux présentateurs ne manquent pas de rappeler que McGill n’était pas officiellement en grève à ce moment et que les cours avaient toujours lieu. Difficile, donc, de gérer les deux quand on voit l’énergie que les étudiants de l’UdeM ont fourni pendant cette période tourmentée.

En guise de conclusion, Martin et Pierre-Charles affichent sur leur diaporama qu’«être architecte, c’est avant tout être humaniste ». Lorsqu’on constate le dévouement de ces étudiants pour des causes sociales et globales, le niveau de solidarité et d’entre-aide, le temps et l’énergie qu’ils ont mis ainsi que le talent pour mettre des projets intéressants en place, on comprend qu’il y ait une certaine corrélation entre ces deux fonctions. Martin évoque même le fait d’être sorti « légèrement traumatisé d’une lutte qui semblait interminable » mais qui n’aurait probablement pas dû l’être.


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