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L’effet Mac à Mcgill

La marque à la pomme est sur la première marche du podium… jusqu’à quand ?

Dans chaque bibliothèque, amphithéâtre, chambre d’étudiant de McGill, on trouve des produits Apple. Ainsi, un sondage réalisé par des étudiants à « New Rez » montre que 75% des étudiants sont équipés d’un Mac, ce qui pourrait s’appliquer à l’ensemble de McGill. Ce chiffre est confirmé par la boutique Apple de la librairie de McGill : un de ses employé exllplique que les étudiants ainsi que les professeurs, achètent majoritairement des ordinateurs Mac, bien que ceux-ci soient plus chers que la plupart des PC.

Si l’on cherche des données plus globales, le même constat ressort : d’après Trip Chowdhry, un analyste du cabinet Global Equities Research, 70% des étudiants américains entrant à l’université possédaient un Mac en 2010.

Cependant ce chiffre n’est pas représentatif de la réalité des ventes : en 2011 Apple ne possédait que 10,4% du marché, en 4ème position derrière HP, Dell et Acer. Alors comment expliquer que la majorité des étudiants soient équipés d mac ?

L’effet de mode pourrait expliquer en partie la suprématie d’Apple à McGill, mais cette hypothèse semble insuffisante. La compagnie américaine doit posséder d’autres avantages pour séduire autant : simplicité d’utilisation, logiciels spécifiques…

 

Intuitif

Un mot qui revient souvent pour qualifier les produits Apple est « intuitif ». En effet, les iPods, iMac et autres produits Apple ne sont jamais livrés avec un mode d’emploi, car leur interface est relativement simple, claire, et les produits se découvrent instinctivement. Par exemple, l’iPhone est le premier Smartphone à n’avoir été doté que d’un unique bouton central, rendant superflu et compliqué les autres du même coup. Cela correspond tout à fait aux attentes des étudiants : ceux-ci ont grandi avec les nouvelles technologies, et ne veulent pas s’embarrasser de manuels et guides ; ils préfèrent découvrir par eux-mêmes, et bénéficier des différentes applications. L’intégration croissante de Facebook et Twitter dans les iPads et iPhone séduit les jeunes, facilitant à l’extrême le partage de photo, entre autres.

En plus de cette interface agréable et attirante, les objets Apple sont en eux-mêmes des objets de design : c’est leur plus grande force. Ils attirent l’œil, deviennent des marqueurs sociaux que l’on cherche à montrer, à posséder avant les autres. Steve Jobs, le fondateur de la marque, disait lui-même : « Nous avons rendu les boutons de votre écran si beaux que vous aurez envie de les lécher » (Fortune, 24 janvier 2000). Il y a donc un lien puissant, presque affectif, entre Apple et ses consommateurs : chaque déclaration du PDG, chaque annonce, chaque nouveau produit fait l’objet de débats passionnés sur internet. La relation entre Apple et ses utilisateurs est donc alimentée, et a donné lieu à la création de communautés d’Apple-addicts partout dans le monde.

Apple possède donc un avantage réel qui lui permet de se positionner chez les jeunes en particulier comme une marque attractive et reconnaissable.

Cependant, si Apple est tant représentée, c’est parce qu’elle est extrêmement bien intégrée : depuis la création jusqu’à la vente, tout se fait sous la franchise Apple. De fait, les Apple Store sont un cas unique dans l’industrie informatique. Ils permettent de se mettre en avant, de se donner une certaine image, et d’offrir des services personnalisés aux clients : personnalisation de l’ordinateur/iPod, interaction avec les clients…

Les applications sont également une grande force d’Apple : il en existe plus de 650 000. Elles correspondent à tous les besoins, et plaisent aux jeunes pour leur facilité d’installation, leur aspect « social » (des applications comme Instagram, Draw Something ou Snapchat connectent des millions d’utilisateurs dans le monde entier).

De plus, Apple a récemment développé la plateforme iTunesU dont le fonctionnement est similaire à MyCourses : les étudiants ont accès au contenu mis en ligne par leurs professeurs, à leurs notes, mais aussi a de nombreux articles et cours donnés par des professeurs renommés.

 

Un circuit fermé

Apple a donc su créer des contenus attractifs, des objets répondant à des besoins spécifiques. Difficile de savoir si ces besoins existent ou si Apple les a créés… Mais l’entreprise a aussi généré des produits étant complémentaires, tout en évitant le piège de l’autoconcurrence, selon Philippe Torres, conseiller en stratégie numérique à la BNP. En effet Apple parvient à rendre attractif différents objets, de l’iPod à l’iMac, en passant par l’Ipad, tout en jouant sur leurs atouts distinctifs. Ainsi, les étudiants tombent facilement dans la « spirale Apple » : la librairie de McGill est témoin de la popularité de l’iPad, même s’il est rarement le seul support informatique des étudiants. Ceux-ci l’achètent en appoint d’un ordinateur..

D’autant plus qu’Apple fonctionne en circuit fermé : les logiciels Apple n’ont pas toujours d’équivalent sur PC et inversement, les formats de fichiers sont parfois différents, les appareils externes comme les disques durs sont parfois utilisables sous un seul système d’exploitation. Ainsi le fait d’acheter un Mac n’est pas seulement un geste d’imitation mais répond aussi dans certains cas à un souci pratique.

Apple est donc de plus en plus présente dans les universités, comme le montre l’inventaire  des ordinateurs de l’Université de Virginie : en 2004, seulement 8.3% des ordinateurs possédés par les étudiants étaient des Mac, contre 43.4% en 2009, et probablement plus aujourd’hui. Néanmoins la marque ne compte pas seulement sur les avantages énoncés précédemment pour s’imposer plus encore dans les milieux universitaires : sur le site Apple Canada, le programme « Apple et l’éducation » est mis en avant. Il s’agit pour la compagnie de présenter les avantages de ses produits aux étudiants, de les convaincre d’acheter un Mac plutôt qu’un PC. Tout d’abord, Apple explique que le système Mac est extrêmement interactif, et permet de créer l’équivalent d’un réseau social à l’intérieur même de la salle de classe, au travers d’un partage de fichiers facilité, de logiciels intégrés : « Grâce à la recopie vidéo AirPlay, enseignants et étudiants peuvent présenter le contenu de leur Mac à toute la classe.[…] La fonction Dictée permet aux enseignants et aux étudiants de dicter plutôt que de taper. »

En plus de ce développement volontairement tourné vers les étudiants, Apple propose également des avantages financiers lors de l’entrée à l’université : pour un étudiant de CEGEP ou de l’Université McGill, un Macbook Pro coûte 100 dollars de moins.

Ainsi, Apple voit son influence croitre sur les campus universitaires, ce qui se remarque par la multiplication des espaces de vente au sein des universités. Celui de McGill en est un parfait exemple, avec près de la moitié de l’espace informatique de la librairie consacré à la marque de Cupertino.

 

Bientôt la fin d’une ère ?

Cependant, cette expansion va-t-elle connaître un terme ? Une enquête réalisée par l’agence Buzz Marketing Group et relayée par Forbes révèle en effet que les jeunes ne trouvent plus Apple « cool », mais presque ringard, car la marque en est venue à séduire leurs parents, et parfois même leurs grands-parents. Ainsi l’effet de mode Apple pourrait commencer à s’épuiser chez les nouvelles générations (post- 2000), notamment dans le terrain des smartphones et des tablettes, face à des concurrents plus originaux. Microsoft, par exemple, propose avec Surface une tablette inédite, différente : elle est « multiutilisateur », c’est-à-dire qu’elle n’est pas reliée au compte d’un seul usager comme c’est le cas avec l’iPad. Le problème du « tout Apple » ressort ici : à force de vouloir connecter et contrôler la production et l’utilisation de ses produits, Apple a lassé ses clients, qui se sentent « prisonniers ». Certains aspects des produits et du système Apple seraient donc des freins à la consommation. De plus, un certain manque d’originalité commence à être reproché à la firme de Tim Cook, notamment concernant l’iPhone 5, qui a déçu bien des utilisateurs attendant mieux qu’un iPhone 4S plus grand et plus fin.

Mais une autre problématique, plus grave, est également à prendre en considération :  celle de la maltraitance des ouvriers Apple en Chine. Car il ne faut pas oublier que les beaux objets que les foules s’arrachent ont un coût caché, qui n’est pas mesurable. Celui-ci commence à être connu à travers les polémiques sur les conditions de travail (insalubrité, dortoirs bondés, travail d’enfants) et les suicides dans les usines Foxconn de Shenzen et Chengdu, révélées par le New York Times. Ainsi lorsque Steve Jobs déclarait  « Mon travail n’est pas d’être gentil envers les gens. C’est de rendre leur vie meilleure », on peut douter de son honnêteté. A moins qu’il ne divise les gens en plusieurs catégories… Cette face sombre de l’entreprise n’a pour l’instant pas de réel impact sur la réalité des ventes, mais la crise est bien là (il y a eu des « litiges » en octobre 2012 au sein d’une usine Foxconn). Et il n’est pas improbable qu’elle s’étende de la production aux ventes.


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