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Les certificats de sécurité

McGill Radical Law Community dévoile les violences de notre système judiciaire

C’est dans le bâtiment de la Faculté de droit, Chancellor Day Hall, qu’a pris place la table ronde organisée par McGill Radical Law Community. Elle avait pour thème principal  « Votre client a un profil : sécurité et confidentialité dans la loi Canadienne ».

Une des organisatrices, Charlotte, explique que la motivation d’organiser un tel événement relève du fait que la Faculté de droit à McGill est « plutôt conservatrice ; les gens acceptent trop facilement le statu quo et je trouve que l’on perd notre conscience critique ».

Parmi les orateurs figuraient l’avocate Patil Tutunjian, l’auteur David Austin, et Mohammad Mahjoub, résidant au Canada et tentant actuellement de se libérer d’un certificat de sécurité qui lui fut issu en 2006. Malgré l’heure tardive de la conférence ce vendredi 8 février, la salle était remplie au maximum.

Les certificats de sécurité

Les certificats de sécurité ont pris leur forme actuelle lors du passage de la Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés en 2001. Il s’agit d’un outil dont peut se servir le gouvernement pour détenir et déporter des immigrants vivant au Canada s’ils sont soupçonnés de violer les droits humains, de faire partie d’une organisation criminelle, ou de mettre en danger la sécurité nationale. En 2007, la Cour Suprême du Canada a jugé que les certificats de sécurité enfreignaient la Charte des Droits et des Libertés. De plus, une personne détenue lors du processus n’a pas accès à l’information utilisée par le Service Canadien du Renseignement et de Sécurité (SCRS) pour émettre le certificat de sécurité, ce qui va a l’encontre du droit à l’Habeas Corpus.

En réponse à ce jugement, le gouvernement conservateur de Stephen Harper introduit le rôle d’«avocat spécial », dont le rôle est de « protéger les intérêts de la personne visée par le certificat de sécurité », selon le site web du gouvernement. Cependant, l’avocate Tutunjian insiste qu’il s’agit uniquement d’un changement de forme, puisque  cet « avocat spécial » n’a en réalité pas le droit de communiquer ni avec l’accusé ni avec son avocat, hormis lors du procès.

Mohammad Mahjoub : un risque pour la sécurité nationale ?

M. Mahjoub est l’un des cinq individus ayant reçu un certificat de sécurité depuis 1993. Persécuté en Égypte, son pays d’origine, il quitte son pays avec sa famille en 1995 et est accepté au Canada en tant que réfugié un an plus tard. Dès son arrivée, il tombe sous le radar du SCRS, détenteur d’informations suspectes à son sujet provenant du gouvernement Mubarak. Le réfugié affirme que ces informations ont été obtenues sous la torture en Égypte, affirmation confirmée par un tribunal égyptien qui réhabilite en 2013 le nom de M. Mahjoud.Toutefois, selon M. Mahjoub, le gouvernement canadien a dépensé à ce jour un total d’un milliard de dollars sur son cas en frais d’avocats et de services de sécurité. « Eh, les gars, nous dit-il, c’est vous qui payez pour tout ça. C’est votre argent que le gouvernement balance par la fenêtre. »

Des conditions de détention inhumaines au Canada ?

En 1999, il est placé en prison par les autorités canadiennes sans passer par un tribunal. Selon lui, ses conditions de détention deviennent insupportables à la suite des attentats du 11 septembre. « J’ai dû subir des fouilles corporelles jusqu’à dix fois par jour », dit-il. « J’ai été agressé sexuellement par des agents de sécurité canadiens. Ils menacèrent de me tuer à maintes reprises. L’un m’a dit que ‘tous les musulmans devraient être tués”».  Il affirme qu’à chaque fois qu’il demandait un service (de nouvelles lunettes, des médicaments, une visite de sa famille), on ne le lui accordait seulement qu’après une grève de la faim. « J’ai eu une infection, mais on me refusa les médicaments. J’ai perdu cinq dents ». M. Mahmoud nous interpelle alors : « Vous êtes étudiants en droit. Il est temps que vous ouvriez vos yeux et vous vous rendiez compte de ce qui se passe dans votre pays ».

Ce que nous réserve l’avenir

« Actuellement, le Service Canadien du Renseignement et de Sécurité est au-dessus de la loi. Mais cela peut changer. C’est à vous, les étudiants, que l’avenir appartient », affirme Mahjoub. Mais s’il admet qu’il ne reçut aucun soutien parmi la population canadienne, croit-il vraiment en la génération future ?  « Absolument », répond-il. « Il ne faut pas s’attarder sur le passé. Concentrons-nous sur l’avenir ».

D’après l’étudiante en droit Lillian Boctor, le meilleur moyen d’assurer que les droits et libertés de chaque individu sont respectés est par le biais des médias, du système judiciaire et de l’organisation de base. « Les trois sont nécessaires », affirme-t-elle. Elle ajoute : « Il y a certainement une tendance négative [par rapport au respect des droits] avec le gouvernement en place. Mais tout est réparable si les gens se battent pour leurs droits ».


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