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Deux protocoles

McGill dévoile l’énoncé des valeurs et les procédures opérationnelles

La direction de l’Université McGill a présenté, plus tôt aujourd’hui, la conclusion des consultations ayant duré plusieurs mois à propos du protocole provisoire sur les assemblées pacifiques. Le document se sépare finalement en deux parties distinctes : un énoncé de valeurs sur la liberté d’expression et de réunion pacifique, et des procédures opérationnelles concernant ce type d’événement.
Un courriel envoyé par le vice-président (administration et finances) de l’université, Michael Di Grappa et Anthony C. Masi, vice-président exécutif, stipule que : « Nous avons constaté que le préambule du protocole proposé avait été généralement bien reçu et que McGill bénéficierait davantage de la mise en place de deux documents distincts ».
L’énoncé des « valeurs et principes » devrait, selon M. Di Grappa, offrir un contexte large à partir duquel l’Université pourra faire une interprétation de situations diverses, alors que le document des procédures opérationelles servira de guide d’intervention pour le service de sécurité du campus et les officiers disciplinaires.
Ce qui diffère des procédures opérationelles de l’ancienne ébauche du protocole, explique le vice-président administration et finances ne sont « pas tant dans les circonstances que dans les réponses qui sont jugées appropriées ». L’appel aux forces policières serait approprié, selon les nouvelles procédures opérationnelles, entre autres si les manifestants refusent de se soumettre aux instructions du personnel de sécurité, concernant la réduction du bruit, l’identification personnelle ou encore la demande de se disperser, si nécessaire.
Le document ne spécifie pas de quelle façon ou qui sera en charge de mesurer l ‘«intensité », l’«intentionalité » et la « durée » des actions, critères qui détermineront les formes acceptables de manifestation. Pour Jonathan Mooney président de l’AÉCSUM, en entrevue avec Le Délit, « ces procédures placent encore trop de pouvoir dans les mains du personnel de sécurité de l’Université McGill, avec peu de supervision ou de responsabilité, et un vague sentiment de la façon dont ils doivent prendre des décisions ».
Le document considère comme « forme acceptable de contestation » toute « manifestation silencieuse ou symbolique. Jonathan Mooney pense que les deux documents « laissent peu de place à la perturbation ou aux occupations et, par conséquent, négligent une longue histoire d’actions directes non-violentes ».
Pour Lillian Radovac, présidente de l’Association des étudiantes et étudiants diplômé(e)s  employé(e)s de McGill, le protocole a changé de nom, mais le contenu est resté le même : « La position du syndicat reste la même qu’elle a toujours été depuis février dernier », a‑t-elle commenté, en entrevue avec Le Délit : « Les syndicats de McGill et nos alliés croient que le seul document qui doit régir la conduite des membres de notre communauté est la Charte québécoise des droits de l’homme et des libertés ».
Le document envoyé par l’administration lundi dernier représente donc un hybride du protocole adopté il y a environ un an et débute une « nouvelle phase du processus de consultation ». Ainsi, la direction de l’établissement invite les étudiants à faire part de leurs commentaires sur les nouveaux documents émis. Les élèves pourront donner leur point de vue par le biais du blog du nouvel énoncé de valeurs ainsi que lors de rencontres se déroulant sur le campus du centre-ville et MacDonald. Ces consultations auront lieu les 13 et 20 février prochains.
Ce même processus de consultation dont fait usage l’université depuis la présentation du protocole provisoire a été critiqué par le passé. « On ne considère pas comme valide les processus de consultation qui ont été enclenchés en vue de rendre le protocole [provisoire] permanent », affirme Mme Radovac. L’administration et M. DiGrappa restent convaincus de leur approche « plus que suffisante pour fournir un forum pour l’expression d’opinions par des membres de la communauté de McGill ».
Mme Radovac ajoute qu’il y a encore moins de raisons de croire que le processus de consultation sera différent.  En effet, seul le nouvel énoncé des valeurs de l’université sera étudié par le Sénat le 20 mars prochain, suivi par le conseil des gouverneurs, à la fin avril.
DiGrappa affirme au Délit que la question des procédure operationelles et ses enjeux ont été communiqués au Conseil des gouverneurs, mais « il n’est pas approprié que le Sénat ou le Conseil [les] approuve ». En effet les deux plus hautes instances décisionelles de l’université ne s’occupent que rarement des questions opérationelles ou administratives, mais selon les réglementations des comités du Conseil, « les membres de l’administration devraient toutefois présenter [ces questions] qui soulèvent des enjeux d’une sensibilité particuliere ou un risque à l’attention du comité du Conseil concerné ou au Conseil lui-même ».
Kevin Withaker, président de MUNACA affirme, en entrevue au Délit, que la raison même de la division du protocole en deux parties est de faire passer ce dernier sans avoir besoin de passer par ces instances. Il conclut en exprimant une inquiétude par rapport à l’expansion de ces mesures vers d’autres universités « au point où les étudiants auront plus de droits en traversant la rue que sur leur propre campus ».
Le débat sur le protocole étudiant a été enclenché en novembre 2011, alors que quelques étudiants, suite à une manifestation, ont pénétré dans le bâtiment James. Les manifestants se sont ensuite rendus jusqu’au bureau de la principale de l’université, Heather Monroe-Bloom, absente à ce moment. C’est alors que l’escouade anti-émeute de la ville a été contactée. Un protocole provisoire a ensuite été adopté par l’université concernant les démarches à faire si un événement de la sorte se reproduisait.
Pour étudier le protocole nécessaire à adopter lors d’une manifestation, le professeur Christopher Manfredi a été nommé par Monroe-Bloom, et plusieurs consultations ont eu lieu. Le professeur a émis son rapport en octobre dernier, stipulant, entre autres, qu’une révision du Code de conduite de l’étudiant était nécessaire. Ces modifications devaient avoir lieu le 31 janvier dernier, mais suite à de fortes contestations et préoccupations de la part des étudiants et même de l’Association Canadienne des Libertés Civiles (ACLC) du Québec, l’université a décidé de changer certaines lignes du code : « Nous avons reçu des commentaires de l’ACLD, tout comme de groupes d’individus. Nous ne leur avons pas répondu, mais avons utilisé ces critiques pour changer notre approche ».
Le protocole provisoire, lui, reste en vigueur jusqu’a l’adoption du plus récent.


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