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Le photojournalisme aujourd’hui

La photo « amateur » prend un rôle considérable et une nouvelle forme de journalisme se développe.

Qu’est-ce que la guerre ? Christine Ross, professeure d’Histoire de l’Art Contemporain à McGill, a voulu remettre cette problématique à l’avant-scène en organisant une série de conférences sur le thème du photojournalisme en temps de guerre le vendredi 2 octobre dernier au Musée McCord.

Avec l’association Media@McGill qu’elle préside, Madame Ross se consacre « aux polémiques liées aux médias, à la technologie et à la culture », comme on peut le lire sur le site web de l’organisme. Pour les cinq prochaines années, cette organisation regroupant universitaires, journalistes et intellectuels cherchera à analyser le thème très général de « Médias et Démocratie ». Cette année, plus particulièrement, Media@McGill avait pour thème d’étude « le photojournalisme, hier et aujourd’hui ».

Christine Ross voit dans ces recherches « un sujet interdisciplinaire à McGill ; les départements de droit, de sociologie et de science politique étant concernés ». De plus, ajoute-t-elle, il s’agit de rendre ce débat « accessible au plus grand nombre de personnes ».

Lors de la conférence d’inauguration de la journée thématique sur la guerre de vendredi dernier, l’écrivain et journaliste américain Peter Maass était invité à discuter du rôle de la photographie « amateur » dans les conflits des dix dernières années.

La photo « amateur », explique Peter Mass, fait référence à un type de photographie dans lequel les artistes sont les participants et acteurs du sujet photographié. Ce type de photographie s’est développé grâce aux nouvelles technologies digitales, comme le téléphone portable. Elle commence à faire fureur en 2003, lorsqu’un Irakien inconnu décide de filmer la pendaison du dictateur déchu Saddam Hussein. Il n’y avait pas de photographe officiel pour l’événement ; la vidéo a ainsi fait le tour du monde.

Depuis, Peter Maass ne jure que par l’«amateur ». Les plus grandes photos de la guerre d’Irak, selon lui, sont celles prises par un prisonnier au centre de détention Abou Ghraib à Bagdad, alors que les photographes officiels n’avaient pas la permission de sortir leur appareil.

Pour le journaliste Peter Maass, il ne faut absolument pas rejeter de telles photos, car elles donnent au conflit un sentiment d’authenticité et représentent bien « ce qui se passe vraiment en temps de guerre » : tout est chaotique, rien n’est « parfaitement formaté ». Quant à la fiabilité de la source, qui est très souvent inconnue, il dit ne pas y prêter attention : « Peu importe », lance-t-il, « le pouvoir de la photo prise par les acteurs de ces révolutions reste gigantesque ».

On l’a vu en Tunisie en 2010. Lors d’une manifestation organisée après l’immolation du vendeur de rue Mohamed Bouazizi, une vidéo « amateur » propulse le pays dans une véritable guerre contre le gouvernement alors en place. Pareillement, la capture de Kadhafi en Lybie n’a été enregistrée que par des participants à cette capture.

La photographie en temps de guerre semble être un sujet abstrait pour beaucoup d’étudiants à McGill. Comment se sentir concerné par quelque chose que seulement une minorité d’entre nous a connue ou connaîtront ? Christine Ross et Peter Maass ont la même réponse : « Prenez le Printemps Arabe : ces événements ont beaucoup parlé aux étudiants ». Ceux-ci se sont mobilisés de différentes façons tout au long des conflits. Monsieur Maass souligne que cet intérêt vient précisément du fait que plus d’images et de vidéos « authentiques » sont accessibles en quelques secondes à travers le monde. Les étudiants ont donc une meilleure idée de ce qui se trame réellement.

C’est d’ailleurs ce qui dérange Mme Ross : avoir accès à la violence si facilement, n’est-ce pas, d’une certaine manière, la banaliser ?

La photographie « amateur » en tant que nouvelle forme de photojournalisme est en plein essor. Mais il est encore  trop tôt pour juger de ses impacts réels et pour prévoir son évolution à plus long terme.


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