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L’identité à fleur de peau

Tout ça m’assassine revient à la Place des Arts.

« Monsieur Stephen Harper nous vous dédions ce spectacle. » C’est avec ces mots, suivant une citation de Théodore Roosevelt (« Derrière le gouvernement visible siège un gouvernement invisible qui ne doit pas fidélité au peuple et ne se reconnaît aucune responsabilité »), que débute la pièce de Dominique Champagne. Une touche d’humour sur fond de cynisme. Un sarcastique désespoir. C’est avec l’identité dans la gorge que je suis sortie du théâtre.

Tout ça m’assassine, combinaison de trois pièces, avait été qualifiée de « Production de l’année 2011 » par La Presse lors de sa présentation, il y a de cela un an. Le spectacle avait eu un tel succès et s’inscrivait si bien dans la suite des événements du printemps dernier qu’on a décider de refaire l’expérience. C’est ainsi que, moyennant quelques changements de casting, l’équipe est remontée sur les planches début octobre et a même ajouté trois représentations supplémentaires.

Tout en musique et en poésie
La trompette sonne, le tambour cogne et quelques lignes de basse plutôt groovy annoncent l’arrivée des acteurs sur la scène. Dramatiquement, poésie et musique s’enlacent dans Les Poèmes de Patrice Desbiens. Sylvain Marcel, poète alcoolique et déprimé nous fait vivre le poids de son exil en Ontario, sa perte d’identité due à la distance qui le sépare de sa province. Le tout se déroule dans un bar où il monologue, s’adressant à tel ou tel habitué de la place et ayant pour seule réponse la voix d’une jeune femme et les mélodies que lui accordent les deux musiciens. Ceux-ci, extrêmement polyvalents, accompagnent l’ensemble du spectacle et y ajoutent une touche de magie.


Critique satirique
L’arrivée fracassante d’Alexis Martin sur son fauteuil motorisé en fait rire plus d’un. Dans le cadre de la seconde pièce du spectacle, Confession d’un cassé de Pierre Lefebvre, l’unique personnage met en pièces la conception que l’on peut se faire du capitalisme. Homme sans le sou, n’arrivant pas à concevoir la valeur de l’argent, il déconstruit crûment le concept du capitalisme, le comparant à la fois à l’acte de déféquer et au fascisme. On pourra l’accuser d’aller trop loin dans ses références très nombreuses au fascisme et, entre autres au nazisme, mais c’est justement celles-ci qui donnent le ton au monologue, satirique et cynique. C’est une critique intelligente et drôlement bien écrite où se multiplient les jeux de mots et les références à nos politiciens adorés : Nicolas Sarkozy, Jean Charest, etc.
Vive le Québec libre !
Un souverainiste versera quelques larmes, un fédéraliste se frustrera. Normand D’Amour et Mario Saint-Amand, incarnant respectivement un optimiste et un défaitiste de la cause souverainiste au Québec, nous font revivre l’épopée québécoise depuis l’arrivée des premiers colons dans la vallée du Saint-Laurent jusqu’à la mort de René Lévesque. La Déroute, de Dominic Champagne, est un petit bijou pour tout passionné d’histoire québécoise. Aux citations telles que la célèbre phrase de Claude Péloquin « Vous êtes pas écœurés de mourir, bande de caves ? », s’allie la voix de René Lévesque lors de la fatidique soirée du 20 mai 1980, alors que les résultats du premier référendum pour l’indépendance venaient d’être dévoilés : « Si j’ai bien compris, vous êtes en train de me dire : à la prochaine fois ».

Quoique particulièrement douce aux oreilles des défenseurs de la nationalité québécoise, cette pièce ne plaira pas nécessairement aux partisans de la fédération qui seront peut-être choqués par quelques propos outrageux lancés par les deux personnages. Il n’en reste pas moins qu’ils pourront l’apprécier tout autant si la chose est prise avec le sourire.


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