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Lettre ouverte sur la hausse

Je pensais à ce qui se passait autour de moi récemment. Vous savez, j’ai besoin d’être instruit, alors je pose des questions. J’apprécierais tellement que quelqu’un puisse me répondre.

350 millions en hausse, c’est beaucoup ? Ahou ! C’est 58 333 fois le salaire de mon ancien voisin de résidence. C’est aussi au moins 800 millions de tomates, ou encore au moins 1 milliard de papillons bleus à l’animalerie du coin. Ahou ! 

Je regardais les revenus gouvernementaux de 2010–2011. 65 milliards. Des tomates, des papillons, en voulez-vous ? En voilà. Ahou ! Je pensais à ça aussi, la hausse c’est 0,5% des recettes. Pas 5%. Pas 10%. 0.5%. Ça me fait penser maintenant que ça ne doit pas être si difficile à aller chercher. Disons, disons qu’on ne considère pas la perte d’impôt future des universitaires qui n’ont pas les moyens de payer cette hausse et tout le tralala du bagage culturel et social, on n’est quand même pas à l’école vous savez. On pourrait augmenter les revenus d’un demi-pourcent. Qu’est-ce vous en pensez, un demi pourcent c’est assez ? Et puis tant qu’à s’arrêter là, on pourrait aller chercher 1%, est-ce que ça serait assez pour financer ce qu’on paie déjà en frais de scolarité en ce moment, 450 millions ? On irait rechercher toute la baisse d’impôt de la campagne électorale de 2007 faite avec le transfert fédéral. Ahou ! 

On pourrait appeler ça la taxe du savoir. Un truc à la Foglia, vous savez. Quelque chose du genre Étudiez-Travaillez-Payez, pas Payez-Étudiez-Travaillez-Payez. Une espèce de schéma pour attirer les gens à l’école quoi. Par contre, j’ai entendu dire que des études montraient que les étudiants étudient mieux sous la pression d’une dette, alors il faudrait y repenser à celle-là. Il y aurait une composante de justice sociale, dans le sens si-tu-gagnes-plus-tu-encourages‑d’autres-êtres-humains-à-étudier. C’est vrai, vous savez, les diplômés universitaires ne paient pas la majorité de l’impôt de la province. Si seulement ils pouvaient faire leur part socialement, vous savez. Ahou ! 

Ou bien devrait-on négocier avec le gouvernement ? On s’entend pour 100, 200 ou 300 millions au lieu de 350 millions ? Ca n’a pas de prix un compromis, qu’est-ce que vous en pensez ? Par centaine de millions de dollars de hausse, on sacrifie combien d’étudiants plus pauvres cette fois-ci ? 2 000, 1 000, 500, 200 ? C’est quoi le taux approprié ? Instruisez-moi. Même si c’était zéro ou négatif parce que dans un monde spécialisé comme le nôtre il est de plus en plus profitable d’aller à l’université que de ne pas y aller, on aurait affaire à un autre taux : l’augmentation de l’endettement des étudiants pauvres par centaine de millions en hausse. J’ai écrit étudiants pauvres, vous avez remarqué, pas parents pauvres. Et plus précisément, étudiants pauvres après la distribution des prêts et bourses. Du type hors-filet ou semi hors-filet. Du type qui doit payer plus cher pour recevoir la même éducation que ses collègues. Ahou ! 

Voici ma plus grande question : Qu’est-ce qu’on fait avec cette nouvelle classe de pauvres qu’on continue de créer ? Je ne sais toujours pas ce qu’on pourrait en faire. Je veux dire, hum, vous savez, le système de prêts et bourses s’est fondé sur une parfaite corrélation du revenu des étudiants avec celui de leurs parents. Et qu’est-ce qui arriverait si cette corrélation n’était pas parfaite. Ahou ! Je sais ça n’existe pas des parents qui ne donnent pas le 8 300$ par étudiant recommandé pour deux parents avec un revenu combiné de 70 000$ chanceux d’avoir deux universitaires. Je sais, je sais, mes questions sont stupides. Ça n’existe pas des parents qui n’économisent pas pour leurs enfants. Et puis, je veux dire, ils sont bien trop occupés à économiser pour leur retraire. Ça n’existe pas des gens qui arrivent à la retraite avec pas assez ou peu d’argent. Ils ont tous la capacité mentale de se projeter dans le temps, je l’ai appris en neuroéconomie. Euh. Je sais, je sais. Imaginez, si ce genre de parents existait, on aurait des trous dans notre filet de rétention des étudiants universitaires. Je veux dire, ça serait un peu comme un filet de la honte, non ? Ahou ! 

Je ne sais pas ce qu’on pourrait faire avec ces gens-là. Ils n’existent pas de toute façon. On pourrait leur dire qu’ils sont trop pauvres pour étudier aux universités du Québec. Qu’ils prennent une dette, aussi énorme soit-elle, ou qu’ils fassent sans université. On pourrait au moins leur donner un billet d’avion pour la Finlande. Ahou pour la Finlande ! Sinon on pourrait faire comme avec les sans-abris, on regarde à travers comme s’ils n’existaient pas. Ahou ! Ils n’existent pas de toute façon. Et puis quoi encore ? On pourrait les cacher comme on cache le fait que des gens se suicident dans le métro ? Pourquoi pas, ils n’existent pas de toute façon ces gens-là. Ahou ! Je veux dire, je veux dire, sinon on pourrait accuser ceux qui ne condamnent pas cette hausse de manquer d’empathie pour les plus démunis. On pourrait dire qu’ils s’en lavent les mains. Ahou pour l’empathie ! Ahou pour les plus démunis ! Ahou pour les gens qui n’existent pas ! Ahou ?

Nickolas Gagnon


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