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Un souper plus qu’imparfait

Rossini et ses muses – Le grand dîner, de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, occupe le Monument National et assassine l’opéra.

Gracieuseté de l’Opéra de Montréal

Personne ne savait à quoi s’attendre et l’Atelier Lyrique de  l’Opéra de Montréal nous a surpris. Mais ce n’était pas une belle surprise, pas comme lorsqu’on se rend à un spectacle et que toutes nos attentes prennent une belle leçon d’humilité devant le génie artistique du créateur.

Avec Rossini et ses muses, on se demande plutôt ce qui est en train de se passer pendant les deux longues heures et demies de représentation pendant lesquelles même le Monument National a l’impression de perdre son temps.

Gracieuseté de l’Opéra de Montréal
Marie-Nathalie Lacoursière qui signe le scénario « original » du spectacle n’est pas exempte de tout reproche. Supposément un pot-pourri des œuvres de Rossini regroupées en un souper où des convives inattendus chantent des airs allant du Barbier de Séville à Guillaume Tell. Le tout est si mal dirigé qu’il donne le sentiment d’un travail bâclé et dommageable pour la réputation de l’opéra.

On ne peut en effet réduire des airs créés pour être grandioses à un duo piano et voix qui détruit complètement la mélodie des œuvres majeures de l’opéra de Rossini. On ne peut faire apprécier ces œuvres par une sorte de répétition d’opérette costumée. Sans parler de la prestation de la pianiste qui n’avait rien d’une virtuose lors de la première.

En plus d’un premier acte complètement inutile et ostensiblement là pour meubler les minutes, le concept de Marie-Nathalie Lacoursière n’est pas sans risque. Non seulement ces risques semblaient trop gros pour les capacités des protagonistes sur scène, mais ils étaient simplement inappropriés.

Ce ne sont pas les fausses notes ni la narration maladroite qui causent du tort à la pièce –bien qu’elles y contribuent. L’idée était intéressante : regrouper dans une création originale des airs de Rossini et retracer les œuvres du maestro part d’un honnête sentiment.Ce n’est pas non plus le travail ni le talent qui manquent. On ne doute pas que tous ces ténors, sopranos ou barytons, et surtout alto en ont. Simplement, il était peut-être trop tôt pour affirmer que ce sont les plus grands talents de demain. De plus, rien ne leur permettait d’exprimer leurs aptitudes, tenus par un encadrement artistique peu serein.

Les efforts sont passablement notables, mais on ne vient pas à l’opéra pour admirer l’effort ou l’intention du créateur : c’est plutôt ce que l’on voit et entend qui compte. Supposément accessible à un plus large public, Le grand dîner n’aura pour but que de faire s’éloigner les curieux et confirmer aux cyniques que l’opéra n’a plus rien à offrir et reste d’une ringardise sans égale. Une fois le rideau tombé, on fait semblant d’applaudir car on n’ose d’ailleurs plus siffler comme au temps de Rossini.

Le souper s’avère donc aussi vide que les assiettes dans lesquelles les plats fictifs sont servis. On ne croit pas une seule seconde à ces jeunes bons élèves qui récitent leurs leçons de chant trop bien apprises. En fait, peut-être pas assez. Le projet était présomptueux et les chanteurs se perdent dans un labyrinthe amateur mal dirigé et mal interprété. Personne ne sauve la mise si bien qu’aucun artiste ne ressort vainqueur de sa prestation.

La leçon de la soirée est qu’il faut bien plus qu’une institution réputée telle que l’Opéra de Montréal pour créer quelque chose d’ingénieux avec des vieux classiques. En fait, on ferait mieux de se tenir à ces bons vieux classiques qui proviennent d’un réel travail artistique et qui ont une raison d’exister. Il est préférable de s’ennuyer pendant le Barbier de Séville ou Cendrillon de Rossini, plutôt que de subir cette torture contemporaine qui fait mal à l’opéra. Rossini et ses muses est de ces spectacles qui n’entrent pas dans l’histoire et auraient du laisser la place à d’autres projets plus audacieux. Ne désespérons pas, ces projets existent.


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