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Manif qui tourne au vinaigre

La manifestation du 7 mars devant McGill a créé des remous au sein du mouvement étudiant.

Près de quatre mois après la manifestation contre la hausse des frais de scolarité dégénérant en affrontement contre les forces de police le soir du 10 novembre à McGill, et quelques 130 000 étudiants en grève plus tard, une manifestation étudiante est à nouveau teintée de violence en plein cœur du centre-ville de Montréal.

Mercredi dernier, le 7 mars, plusieurs centaines d’étudiants se rencontrent sur la place du Square Victoria, direction l’édifice Loto-Québec. Organisée par la Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (CLASSE), la manifestation visait l’occupation des bureaux de la Conférence des Recteurs et des Principaux des Universités du Québec (CREPUQ).

Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE, explique la décision d’occupation par le fait que la CREPUQ constitue selon lui « le lobby qui, au cours des deux dernières années, a le plus intervenu en faveur de l’augmentation des frais de scolarité ». Toujours selon monsieur Nadeau-Dubois, il y a une contradiction inhérente aux demandes faites par les membres de la CREPUQ et la façon dont ils dépensent les fonds des universités en termes d’investissements inutiles et de salaires faramineux : « ils gèrent les universités comme des entreprises et ensuite se retournent vers les étudiants et leur demandent de payer la facture ».

Face au 500 rue Sherbrooke, les bureaux de la CREPUQ, les manifestants ont procédé à la fermeture de la rue Sherbrooke à la circulation, en plus d’occuper l’intérieur du bâtiment. Peu de temps après l’occupation, et suite à l’érection d’un barrage par les manifestants, le service de police a lancé un avis d’éviction aux manifestants. Face au refus de partir d’une grande partie des manifestants, les policiers ont procédé à l’évacuation du bâtiment et à disperser la foule.

Policiers et manifestants s’accusent mutuellement d’instigation à la violence. Robert Poëti, ancien agent de la Sureté du Québec (SQ) en entrevue à Radio-Canada, assure qu’il y a toute sorte de choses qui sont lancées envers les policiers par les manifestants et qui constituent un danger pour la population. Kevin Paul, étudiant de l’Université McGill, était présent lors des événements. Il admet que l’argument n’est pas tout à fait faux, mais néglige les proportions en matière d’usage de la force : « bien que certains étudiants aient lancé des boules de neiges en direction des policiers, les policiers ont rétorqué en utilisant entre autres des grenades assourdissantes et du gaz lacrymogène ». L’une de ces grenades semblerait d’ailleurs être la cause de blessures sévères subies par un étudiant au cégep de Saint-Jérôme. Francis Grenier, risque de perdre l’usage de son œil suite à une détonation en pleine figure.

Le corps de police de Montréal assure qu’une enquête interne sera lancée en vue d’éclaircir les allégations d’excès de violence. Par contre, aux yeux de plusieurs, ce type de procédure manque de transparence et de crédibilité. Lorsque contactés à ce sujet, les relations medias du SPVM se sont opposées à tout commentaire.

La CLASSE affirme que si il y a eu agressivité, ce n’était pas de la part des étudiants : « tout se passait bien et ce n’est que lorsque la police s’est présentée avec une attitude extrêmement imposante et provocante que […] la tension est montée ».

De son côté, la Fédération étudiante universitaire du Québec, présente officieusement lors de la manifestation, demande aux deux groupes de se calmer un peu. Martine Desjardins présidente de la FEUQ dit avoir remarqué « une certaine escalade du côté des manifestants », mais la réponse du corps policier, « de lancer des bombes assourdissantes sur les étudiants c’est du jamais vu ».
La FEUQ a récemment fait la demande au Premier ministre de rappeler à l’ordre le service de police « face aux excès de violence dont ils font preuve ». Depuis, monsieur Charest a bel et bien fait une apparition publique. Par contre, il n“y a pas eu la moindre mention des forces de l’ordre, tout le blâme étant mis sur les étudiants. Pour Martine Desjardins, cette sortie constitue un « excès de zèle ».

La ministre de l’éducation Line Beauchamp a fait une autre sortie. La ministre s’attaquait au fait que la CLASSE choisisse de ne pas partager les itinéraires de ses manifestations avec la police. Gabriel Nadeau-Dubois répond que de ne pas demander de permis de manifestation est un droit acquis au Québec et dans le reste du Canada. De plus, la CLASSE dit en avoir fait l’expérience par le passé avec comme résultat « des tactiques d’encerclement et des arrestations de masse ». Le lien de confiance entre les deux camps semble brisé et « tant et aussi longtemps que le SPVM ne change pas ces tactiques pour [la CLASSE] c’est hors de question d’avoir cette relation avec la police ».

Du côté de la FEUQ on ne s’entend pas sur la stratégie à employer. Madame Desjardins pense que le fait de donner les trajets des manifestations est un moyen de protéger les manifestants ainsi que la population en général, un moyen de leur permettre d’éviter certains secteurs : « Pour nous c’est quelque chose d’essentiel […] on n’est pas en processus de confrontation avec les policiers, on ne croit pas en cette dynamique-là ».

Le mouvement étudiant contre la hausse des frais, loin de s’étouffer, verra les manifestations se multiplier lors des prochaines semaines. Une manifestation nationale est d’ailleurs prévue pour le 22 mars prochain. Autant la FEUQ que la CLASSE souhaitent que tout se déroule de manière pacifique : « On espère qu’on ne va pas prendre la situation pour accentuer les tensions mais plutôt le prendre comme exemple a ne pas répéter », renchérit Martine Desjardins.

Le choix de la date pour la manifestation nationale, pourrait laisser entrevoir une provocation, sachant que la manifestation contre la brutalité policière –aillant tendance à déborder– se déroule une semaine auparavant. Pourtant, la FEUQ assure que ce n’est qu’une coïncidence : « quand on a décidé de la date on avait le 15 mars dans notre mire… jusqu’à ce qu’on se rende compte que c’était la date de la manifestation contre la brutalité policière ». Face à ce constat, la FEUQ décida de changer ladite date ne voulant pas encourager ses membres à participer a cette manifestation « cette journée la on va plutôt être effacée ». À ce sujet monsieur Nadeau-Dubois rappelle que plusieurs centaines d’étudiants vont être a cette manifestation là et « c’est sûr que si le SPVM utilise les mêmes tactiques que d’habitude, les étudiants vont s’en souvenir ».


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