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Le choc des cultures

Dans le cadre d’une des conférences dialogiques organisées par le docteur Norman Cornett, Le Délit a rencontré deux figures importantes de la scène académique et cinématographique.

Matthieu Santerre | Le Délit

Stefan Nitoslawski, le réalisateur du documentaire Liberté, Égalité et Accommodements, et la docteure Jaswant Guzder, psychiatre transculturelle de renommée internationale et professeure de l’université McGill étaient invités ce dimanche par le docteur Cornett lors d’une rencontre dialogique à l’église unie Saint-James. La série de conférences vise à offrir une éducation durable à n’importe quel citoyen, par des citoyens. En d’autres mots, l’accent est mis sur la discussion entre les citoyens et les experts invités aux conférences.

L’aspect intéressant du film de monsieur Nitoslawski, souligne  docteure Guzder, est qu’il ne gravite pas autour de la langue, comme c’est souvent le cas, mais autour des différences culturelles, plus particulièrement sur le port du voile. Par conséquent, la deuxième question posée durant la conférence soulevait l’enjeu du port du voile et le besoin de le placer au centre du débat.

Un jeune déclarait devant l’audience que la Révolution tranquille était finie et que « notre génération vous en remercie ! Mais laissez-nous maintenant prendre les rênes et façonner la société telle que nous [les jeunes] la voyons ». Cette sortie illustre toute la complexité du débat des accommodements raisonnables, traduisant non seulement un choc de cultures, exacerbé par la mondialisation, mais aussi la réalisation que des différences existent bel et bien entre les Québécois de souche.

Est-ce que le Québec a conscience de son statut de minorité au Canada ? Est-ce que les enjeux culturels d’aujourd’hui seraient les mêmes si le Québec réussissait à s’affirmer en temps que nation indépendante ? Stefan Nitoslawski répond à travers son expérience personnelle. Polonais d’origine, né au Québec, il a vécu au cours de sa vie des moments où il se sentait plus Québécois, et  d’autres où il se sentait plus Polonais. C’est, d’après lui, aussi le cas du Québec puisqu’il semble y avoir une tension constante entre le désir d’appartenance au Québec et le sentiment d’identité canadienne. Cette incertitude semble quelque peu maladive dans la province puisque le débat de la souveraineté n’est toujours pas « réglé ».

Matthieu Santerre | Le Délit

Mais de quel syndrome le Québec souffre-t-il ? « Hystérie, dissociation, anxiété face à la diversité, de cette peur profonde de l’Autre ?» s’interroge-t-on. D’après le réalisateur, cette tension est présente partout et à différente échelle. Monsieur Nitoslawski explique, sur un ton anecdotique, que la responsable de l’église d’Hérouxville, endroit où le débat sur les accommodements raisonnables s’est enflammé, est généralement exclue des discussions pertinentes aux affaires du village puisqu’elle n’est elle-même pas originaire de celui-ci. La docteure Guzder renchérit en expliquant que ces tensions ne sont pas que de simples problèmes psychiatriques, mais plutôt des problèmes très complexes qui surgissent par la force des processus de socialisation des sociétés.

Finalement, cette question d’identité ne reste qu’un choix individuel à faire à un moment précis de sa vie, déclare M. Nitoslawski. « Plus vous êtes confortable avec votre identité, plus ce sera facile d’accommoder par la suite », renchérit  docteure Guzder.

Dans le cas d’une société possédant des antécédents historiques d’infériorité et une histoire construite en majeure partie sur l’immigration, est-il possible d’arriver à ce niveau de confiance en soi ? Un aspect qu’il ne faut pas oublier est que chaque société est unique ; une politique adoptée par une ne peut être implantée dans une autre sans y apporter quelques changements.

Par conséquent, le degré de complexité de mise en œuvre des accommodements culturels variera selon les idiosyncrasies sociétales. Ce n’est pas pour dire que les sociétés ne peuvent s’influencer mutuellement.

Dans le cas du Québec, où l’identité semble toujours difficile à établir, il se pourrait que cette faiblesse se transforme en force. D’après Alasdair MacIntyre, une société ne peut s’engager dans un débat rationnel à propos de ses propres styles de vie que lorsque celle-ci est soumise à un choc assez sévère pour aller chercher des réponses dans les traditions d’autres cultures.


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