Aller au contenu

Le mythe

Moi, dans les ruines rouges du siècle, une pièce écrite par Olivier Kermeid.

Crédit photo: Stéphanie Capistran-Lalonde

Il n’est pas bien difficile de comprendre pourquoi le cœur de Marie-Thérèse Fortin a fondu devant Moi, dans les ruines rouges du siècle.Tous connaissent l’apostolat du Théâtre d’Aujourd’hui : promouvoir le théâtre québécois contemporain. Et justement, c’est dans l’extraction de cette dramaturgie francophone, éveillée à l’Autre dans les dernières années, que s’aligne la pièce d’Olivier Kemeid.

Crédit photo : Stéphanie Capistran-Lalonde

En effet, si son œuvre traite en apparence de la vie d’un Montréalais trentenaire, elle puise plutôt dans les racines d’un passé tourmenté au sein de la désagrégée Union des Républiques socialistes soviétiques. Le rôle principal, rendu par son bon ami Sasha Samar, a fait jaser comme jamais la vie personnelle d’un acteur ne l’avait fait auparavant.

Né en 1969 dans une ville minière d’Ukraine, Sasha Samar habite seul avec son père. C’est un enfant sportif, au point d’entrer dans l’équipe nationale de natation en vue des Jeux olympiques de Moscou. Victime d’un souffle au cœur, il arrête la compétition et voit sa vie bouleversée par une rencontre messianique avec le théâtre. Alors, ses drames familiaux s’emmêlent avec le cours de l’Histoire : accident nucléaire de Tchernobyl, service militaire au Kazakhstan, démantèlement de l’URSS.  Dans l’exposé de la vie hors des planches de ce comédien, vous aurez compris que l’on retrouve la trame centrale de la pièce montée par Olivier Kemeid. Après avoir méticuleusement couché sur papier le récit de vie de son compagnon, il a décidé d’en faire une pièce de théâtre et de donner l’opportunité à Sasha Samar de jouer sa propre vie sur scène. Malheureusement, ce scénario des plus intéressants ne donne qu’un résultat peu reluisant.

Tout d’abord, le ton donné au sujet par l’auteur est franchement déplacé. Tanguant de manière schizophrénique entre tragique et comique, le script, bien que pratiquement biographique, réussit à confondre le spectateur dans une anarchie de sentiments. Certes, le verbe se vaut à quelques endroits, mais cela ne saurait passer sous silence l’absence d’évolution psychologique chez les personnages, tout comme la piètre danse des moments d’intensité.

Crédit photo : Stéphanie Capistran-Lalonde

La mise en scène offerte est aussi désordonnée. On peut cependant reconnaître l’évidente qualité technique de cette dernière. La scénographie frappe par sa simplicité et pourtant, au fur et à mesure que l’histoire se, déroule on aperçoit ses détails et ses élégants rappels historiques. La musique, sans être un élément principal, intervient au bon moment. Les mouvements et déplacements des acteurs sont réussis et dynamisent ce que laisse en rester le décor immobile.

Le jeu des acteurs est franc.  Sasha Samar est certainement celui qui se démarque le plus, car il a su à quelques reprises transmettre une sensation de chaleur aux spectateurs. Le « je-suis-un-père-détruit-qui-geint » de Robert Lalonde, dans le rôle de Vassili, est éreintant à la longue. Annick Bergeron, Sophie Cadieux et Geoffrey Gaguère, qui complètent la distribution, caricaturent leur personnage, mais cela semble être fait à la demande du metteur en scène. Alors, il est difficile de les critiquer.

Plein de belles choses en perspectives, mais un résultat décevant. Il serait possible d’expliquer ce résultat par un manque de recul de l’auteur/metteur en scène, face au périple romanesque de son complice. Créer un mythe nécessiterait ainsi de la distance, et c’est probablement ce que pensait la salle en ovation, debout à la tombée du rideau, au Théâtre d’Aujourd’hui.


Articles en lien