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Ariel à la plage

Un autre conte fou du barde soûl

Matthieu Santerre | Le Délit
Matthieu Santerre | Le Délit

Il était une fois, une jeune sirène qui vivait dans un énorme aquarium. Un jour qu’elle s’en roulait une avec son meilleur oreiller, Polochon, elle vit un prince tituber sur la plage de l’aquarium voisin. Il était magnifique. Sa chemise déchirée laissant apercevoir une parfaite musculature et un six-pack divin. Sous le charme, elle s’en alla voir son père, le roi Trois-Dent et dit :
‑Ok, là là, papa, j’en ai mon ostie de claque de vivre dans la Heineken ! Tabarnak, de toutes les bières, t’as choisi celle-là ! Elle pue ta caline de bière pis en plus elle goûte mauvais !
En bon père, le roi Trois-Dent n’en avait cure et, déjà en retard sur son ivresse à cette heure tardive de la journée, répondit en buvant une gorgée de plus.
‑Moi, là, je crisse mon camp, et j’m’en vais vivre dans la Molson Dry. Au moins là-bas, la mousse est épaisse et on peut marcher dessus !
Toujours en bon père, le roi Trois-Dent rota sa réponse et se gratta le bide. Dans une colère de putain, la sirène s’en alla. Rien ne ferait bouger son bouffon de père du canapé à part un but du Canadien. Elle nagea donc vers le fond de l’aquarium pour aller chercher la seule personne qui pourait l’aider, Ginette la Guinness, la little barmaid de « Chante-la en français ».
– J’ai ce qu’il te faut ma p’tite ! dit Ginette, bien éméchée, affalée sur le bar, la tête entre ses énormes seins.
Elle fouilla dans sa réserve d’alcool et sortit une bouteille. L’étiquette jaunâtre annonçait « Vodka Imperial, 80%. Fait marcher les sirènes et les morts-vivants depuis 1890 ».
‑Tiens : bois-moi-ça, ma p’tite ! dit Ginette en versant un shoot.
Pensant à son prince charmant, la sirène but d’un trait. La gorge en feu, elle s’exclama « Ostie que c’est fort ! » avant de tomber dans un profond coma éthylique.
Quelque heures ou jours plus tard, la sirène se réveilla, nue sur la plage mousseuse de la Molson Dry, au son de la voix de son prince charmant, qui sortait d’une fête qu’on avait donnée au Vieux Port, dans la cale d’un vieux pétrolier russe. Elle ouvrit les yeux et admira ses beaux cheveux blonds, ses yeux bleus et surtout son corps luisant de sueur au soleil. Elle se sentit soudain comme une vierge avide de chaleur humaine. Dans un soupir languissant, elle enlaça son prince, prête à combler ses plus profonds désirs.
‑Ouf, toi t’as besoin d’un mentos ! lui dit le prince. Ralf, mon chéri vient voir ce que j’ai trouvé !
Surprise, la sirène vit un jeune gringalet roux à lunette portant un costume violet pimpant. Il marchait en leur direction. Bientôt, il se tint près du prince.
‑Oh, my god ! Elle est parfaite, mon amour ! C’est quoi son nom ? Emmène-la donc à la maison, je suis sûr qu’on va être les meilleurs amis du monde ! On va aller magasiner ensemble… parler de mode…
La sirène ne pouvait pas en croire ses oreilles.
‑Oh, c’est tellement un beau cadeau ! continua Ralf, merci, merci, merci !

Lukas Thienhaus
La jeune sirène regarda le prince et son ami Ralf se rouler une pelle devant ses yeux horrifiés. Elle était en beau maudit. Elle essayait de protester, de crier sa frustration, mais elle resta muette : la vodka avait détruit sa voix. Ralf et le prince la prirent avec eux. Ils vécurent en bon parisiens avec de la baguette et du bon vin tous les jours, et la petit sirène regretta d’avoir changé de bière. La morale de l’histoire : la bière semble toujours plus mousseuse chez le voisin !

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